Pleine de grâce, Notre-Dame de Paris est rendue au peuple de Dieu
Delphine Allaire – Envoyée spéciale à Paris
C’est par le rite rare et antique de l’onction avec le saint chrême que l’archevêque de Paris a consacré l’autel majeur de la cathédrale Notre-Dame en ce deuxième dimanche de l'Avent. Répandant durant plusieurs minutes l’huile sainte sur l’autel en bronze, simple et épuré, avant d’encenser l’assemblée captivée, Mgr Laurent Ulrich a ainsi consacré le lieu le plus central de la cathédrale, le précédent autel ayant péri dans l’incendie. Il renferme à présent un nouveau trésor, les reliquaires de cinq saints liés d’une manière ou d’une autre à l’Église de Paris, comme saint Charles de Foucauld, Catherine Labouré ou le martyr roumain Vladimir Ghika d’origine orthodoxe. Ils veilleront sur la cathédrale ressuscitée des flammes, eux comme ceux invoqués dans la litanie récitée par les 170 prêtres concélébrant la messe inaugurale.
«La peine est effacée, la joie ressuscitée»
«Ce matin, la peine du 15 avril 2019 est effacée», a affirmé l’archevêque de Paris dimanche lors de cette toute première messe dans la cathédrale restaurée et nettoyée. Cinq ans après le choc spectaculaire du feu envahissant la cathédrale, suscitant la stupeur sur les quais entourant la l’édifice religieux, les abords de la Seine ont retrouvé des fidèles au cœur plus léger et rasséréné, malgré la pluie et le vent violent. «Nous avons tant pleuré lors du feu que nous avons besoin aujourd'hui d'être réparés», lance Odile sous une météo trempée et venteuse, comme pour éteindre à jamais les braises de l'incendie et cicatriser la plaie.
À l'intérieur de la cathédrale, l’émerveillement atteint son stade suprême grâce au vertige du gothique et au chatoiement des vitraux, dont les éclats de couleur ricochent sur les chasubles des prêtres. Le regard des 2 500 invités des célébrations de samedi et dimanche en témoignent. Croyants ou non, les yeux levés vers les cieux de la cathédrale sont nombreux, parfois embués de larmes. Une espérance transmise par Mgr Ulrich tout au long du week-end. «Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis; et tout être vivant verra le salut de Dieu», a-t-il déclaré dans une homélie prononcée devant 2 500 invités, parmi lesquels toujours le président français, son épouse, ainsi que quelques chefs d’État demeurés dans la Ville lumière depuis le grandiose office de la veille.
«Laissez-vous éblouir par Dieu»
«Quitte ta robe de tristesse et de misère, Notre-Dame, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu», a poursuivi Mgr Laurent Ulrich, invitant chacun à ne pas en rester au stade de l’éblouissement mais à se laisser conduire «jusqu’aux joies les plus grandes, jusqu’au don le plus beau que Dieu fait de sa présence aimable, de sa proximité des plus pauvres, de sa puissance transformante dans les sacrements». «Laissez-vous éblouir par Dieu», a souhaité l’archevêque parisien longuement applaudi à sa sortie de la cathédrale, ainsi que sur le parvis, par le clergé de la capitale. Mgr Laurent Ulrich a finalement pris possession de sa cathédrale, lui qui ne fut nommé à Paris que trois ans après l’incendie.
Son prédécesseur, Mgr Michel Aupetit, qui a vécu toutes les heures de la catastrophe était présent, ainsi que le cardinal André Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris, aux côtés du nonce apostolique. Plusieurs responsables d’Églises orientales et orthodoxes ont par ailleurs souhaité se tenir aux cotés de Notre-Dame en ce jour, comme le patriarche maronite Rai, le délégué du patriarche Bartholomée le métropolite Emmanuel de Chalcédoine ou encore Tawadros II, patriarche copte-orthodoxe. Présence œcuménique dont se réjouit le vicaire épiscopal en charge de l’unité des chrétiens presqu’autant que de la nouvelle cathédrale: «J’ai l’impression de rentrer à la maison mais qu’elle aurait été nettoyée. Si on ne me disait pas qu’il y avait l’incendie, on ne se douterait jamais qu’elle est restée fermée À la fois c’est la même Église-mère et en même temps elle est transfigurée avec ses jeux de lumière, les retrouvailles de l’orgue, et le peuple de Dieu qui va la remplir désormais».
«Les plus petits» dans la grande Notre-Dame
Une messe inaugurale effectivement remplie de paroissiens, bénévoles et personnes en situation de handicap venus avec six associations conviées par l’archevêque. Parmi eux, Prisca, bénévole à l’Office chrétien des personnes handicapées, vit selon elle «l’événement du siècle». «J’ai fait exprès de ne regarder aucune image avant ce week-end», sourit-elle, émue, pleine de gratitude «surtout pour la Vierge qui veille et protège». «Dieu invite les plus petits et accueille les plus fragiles. Nos communautés accueillant des personnes vulnérables. Nous qui avons un handicap avons quelque chose à dire au monde, donc notre présence est particulièrement bienvenue», commente de son côté Florence, également au service de l’OCH. Signe de proximité avec d’autres personnes vulnérables, loin des tapis diplomatiques et des atours mondains, un buffet avec 150 personnes pauvres de Paris s’est tenu à l’initiative du diocèse, à l’issue de la messe sous les voûtes du Collège des Bernardins. Des cérémonies empreintes de fierté, de confiance et d’espérance, qui vont se poursuivre avec encore plus de ferveur avec l’ouverture officielle de la cathédrale aux fidèles ce dimanche soir. Une ouverture pleine de promesses aussi pour les plus petits qui ne l'ont jamais connu après cinq ans de fermeture. Comme les trois enfants de Sophie, paroissienne parisienne, ayant donné vie à sa fille aînée en ce jour de l'Immaculée. Âgée maintenant de neuf ans, la petite Zoé désireuse de visiter Notre-Dame a cette semaine elle-même pris la plume pour demander une place à l'archevêque de Paris. Aujourd'hui, son vœu est accompli et les gargouilles lui sourient.
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