2024 – 2025: bilan et perspectives, avec Mgr Bienvenu Manamika
Fabrice Bagendekere, SJ – Cité du Vatican
Janvier est le mois du bilan et des perspectives, le mois des mois. Ne le dit-on pas, «si janvier ne prend son manteau, malheur aux arbres, aux moissons, aux coteaux». Il ne s’agit donc pas d’un simple passage d’une année à une autre mais d’une véritable possibilité de se faire et se refaire. D’où l’importance de faire un bilan, mais aussi de se projeter sur les 11 autres mois qui suivront. «Le temps de janvier indique celui des mois qui vont suivre», dit-on.
Mgr Bienvenu Manamika, archevêque de Brazzaville, pour nous faire une relecture de 2024. Un entretien accordé à Radio Vatican – Vatican News.
Monseigneur, nous sommes dans un moment, comme on le dit, «des commencements et des fins», ou alors des fins et des commencements. Une année s’est achevée, une autre a commencé. D’où la question, quelle lecture faites-vous de l’année qui vient de se terminer?
La lecture que je fais de cette année s’inspire d'une inquiétude exprimée par le Pape François. Si j'ai bon de mémoire, le 8 janvier 2024, il disait entre autres ceci: «l'actuelle prolifération des conflits dans le monde transforme la troisième guerre mondiale par morceau». Autrement dit, nous sommes en train de vivre comme dans une guerre mondiale, mais par morceau. Le Pape évoquait ainsi les conflits à Gaza et en Ukraine, et les crises écologiques et migratoires. Pour nous, l'Afrique, il y a aussi, n'est-ce pas, l'Est de la RDC, notre cher voisin, ainsi que la guerre civile au Soudan.
C'est dire que 2024 a connu des soubresauts tous azimuts, qui n'honorent pas l'homme, dit Homo sapiens sapiens, ou deux fois sapiens, ou même plus, à l'heure actuelle, voyez-vous, à l'heure de la cybernétique et du tout numérique. Et je dirais même, sans être pessimiste, j'ai l'impression d'un jeu de l'ombre et de la lumière. En d'autres termes, malgré des avancées extraordinaires, l'homme semble effectuer un retour à l'hominidé de la préhistoire, avec une sauvagerie qui ne devrait pas s'expliquer au XXIe siècle.
Je donne des exemples. Conflits armés par ici, crimes, vols d'organes humains, c'est à la mode, corruption de plus en plus sophistiquée, déshumanisation, xénophobie, rapacité des industries extractives, en plus des sommets sur l'environnement et le climat qui se succèdent, mais que contredisent les réalités sur le terrain. Il y a aussi des orientations, je dirais, qui sont des nouvelles formes de dictature qui imposent de nouvelles cultures qui n'honorent pas forcément l'homme, pourtant créés à l'image et à la ressemblance de Dieu. Décidément, l'homme semble avoir mal compris la recommandation de Dieu en Genèse, chapitre 1, verset 1 à 25. Dieu qui vit lui-même, que sa création était bonne, et appelait l'homme à transformer la terre, dont il est selon moi l'intendant. Voilà la lecture que je fais. Elle est, je dirais, presque pessimiste, mais nous gardons l'espérance.
Janvier, c’est aussi le «mois des choix, des clés et des portes». Quels sont les horizons que vous voyez s’ouvrir au monde, votre pays et l’Eglise? Quels sont vos souhaits pour la nouvelle année?
Je vais rapidement résumer ma réponse. Pour le choix, je pense simplement à Deutéronome, chapitre 30, verset 15 : «choisir le bien et la vie». Et comme clé, pour moi, il s'agit d'ouvrir et s'ouvrir davantage à l'amour de Dieu et des autres. Il s'agit comme clé d'éveiller les consciences sur la vérité, la vraie vérité, sur les grands choix d'intérêts communs. Il s'agit aussi de faire le dépassement des intérêts égoïstement rétrécis, pour ne pas dire mesquins, et embrasser ce qui ouvre au décollage national. Et sur les horizons, je dirais qu'il y en a plusieurs. Cependant, tout dépend de l'orientation qui est de plus en plus donnée à l'éducation.
Dans mon pays, j'espère que, je dis bien dans mon pays, le Congo-Brazzaville, j'espère que la morosité économique-financière actuelle se dissipera. Enfin, qu'elle se dissipe et que nous repartions avec un élan de conscience humaine plus aiguisée. Cette conscience doit être humano-divine pour que nous redémarrions les chemins du développement car les chrétiens le savent, Saint Paul dit: «le développement est le nouveau nom de la paix». Vous aurez perçu que dans ma réponse, je voulais dire que si nous voulons la paix dans la sous-région et au Congo-Brazzaville, il nous faut retrouver et relancer les chemins du développement. Car, qu'on le veuille ou pas, «ventre affamé n’a point d'oreille». Il n'y a donc pas d'horizon miracle. Les horizons miracles, ça n'existe pas. Il n'y a que les retombées, les conséquences de ce que nous faisons aujourd'hui qui déterminent le lendemain.
Enfin, concernant mon souhait, je dirais que pour la sous-région d'Afrique centrale, c'est de ne pas en arriver à la dévaluation du franc CFA. Cela écraserait l'immense majorité des démunis, ce qui creuserait encore et encore le fossé entre riches et pauvres et accélérerait, je dirais, la paupérisation de nos pays. De toutes les façons, je vais vous dire, et je le dis clairement, les solutions du FMI n'ont que rarement redressé les états. Pour le Congo, mon pays, je souhaite que l'homme de 2025 s'ouvre davantage à la lumière du Christ qui nous est venu dans la nuit de Noël, non pas dans des distractions spirituelles qui avilissent et étriquent, mais, qu'il s'ouvre en toute vérité, cette vérité dont on vérifie la véracité dans le bien-être général et individuel. S'ouvrir à la vérité, c'est en soi vivre dans une dynamique humano-divine à la lumière du Christ pour le bien commun.
Le Jubilé de l’espérance a été ouvert par le Pape le 24 décembre. Hier dimanche le même acte été reproduit dans tous les cathédrales du monde, la vôtre notamment. Comment a-t-il été accueilli par les fidèles de votre diocèse? Quelles sont les grâces attendues de ce jubilé?
Le 29 décembre, nous avons lancé le Jubilé à partir de la cathédrale de Brazzaville, conjointement avec les autres diocèses du Congo-Brazzaville et du monde, comme l'a planifié Rome. A Brazzaville, pour répondre à votre question, l'enthousiasme était au rendez-vous. Les attentes sont multiformes, car nombreux, je vous dis, nombreux sont les fidèles à souhaiter, dans un élan d'espérance, un véritable changement.
Changement, mais quel changement?
Un changement qualitatif. Un changement qualitatif social. Un changement qualitatif moral. Un changement qualitatif spirituel. Nous espérons un grand changement dans ces sphères. Tout à l'heure je disais que «ventre affamé n’a point d'oreille».
C’est quoi l'espérance de l'homme? C'est qu'en se réconciliant avec son Dieu, il ait la grâce, n'est-ce pas, de se réconcilier aussi avec le développement dans le pays. Vous voyez un peu, quand je parle de réconciliation, parce qu'il y a une sorte de hiatus, il y a un fossé qui continue à persister dans nos sociétés. Il ne faut pas se dire que par le simple fait de prier, le développement arrivera. Lorsque nous nous mettons dans la prière, c'est pour emmagasiner les énergies divines pour mieux transformer la société. Et cela, c'est à tous les niveaux. Au niveau politique, au niveau spirituel, j'allais dire ecclésial, au niveau de toute l’humanité. C'est ce que nous attendons. Nous attendons la conversion de l'homme en tout et pour tout. L'homme dans son intégralité face à son Dieu.
Enfin monseigneur, quel appel faites-vous, soit-il pour l’Eglise centrafricaine, votre pays que pour le monde?
Je vous surprendrai peut-être mais je dirais, il n'y a pas d'autre appel, je le répète bien et insiste, il n'y a pas d'autre appel sinon celui de toujours, celui de 1 Jean chapitre 4, 7 : «aimer Dieu et demeurer en Lui». Je le dirais autrement, revenir à Jésus-Christ. Voilà mon appel ! Mon appel au monde, mon appel n'est-ce pas, à l'Afrique centrale, mon appel au Congo, mon pays. Revenir à Jésus-Christ, découvrir Jésus-Christ, vivre de Jésus-Christ, demeurer en Jésus-Christ. Alors et seulement alors, les choses, non pas seulement iraient mais, les choses iront mieux. Parce que sans amour, le monde n'a pas de lumière et sans lumière, c'est le triomphe du monde des ténèbres. Or l'amour, c'est Jésus-Christ. Et le dernier mot revient à Jésus.
Mes vœux de fidélité à Jésus-Christ en ce 2025, à tous les chrétiens et aux hommes de bonne volonté ! A nous tous, vœux de fidélité à Jésus-Christ.
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