Côte d’Ivoire : en 2025, Mgr Ahiwa espère une élection présidentielle juste et paisible
Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican
Après l’ouverture solennelle du Jubilé de 2025 par le Pape François dans la nuit de Noël, mardi 24 décembre 2024, en la basilique Saint-Pierre à Rome, ce fut le tour des Églises particulières d’en faire autant, à travers le monde entier, le dimanche 29 décembre.
En Côte d’Ivoire, dans l’archidiocèse de Bouaké, ils étaient des milliers de fidèles mais aussi nombre de clercs à prendre d’assaut la cathédrale Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus pour vivre cet événement. Cette année jubilaire dont la clôture est prévue en Janvier 2026, a pour thème: «Pèlerins d’espérance». Revenant sur cette ouverture diocésaine de l’année jubilaire au cours d’un entretien accordé à Vatican News, Mgr Ahiwa a aussi émis ses vœux de paix pour 2025, année électorale dans son pays. Alors que la Côte d'Ivoire se prépare à l’organisation d’une élection présidentielle d’ici à dix mois, l’archevêque a souhaité un processus crédible et sans heurt afin d’éviter une crise post-électorale, comme celle de 2010, qui a fait au moins trois mille morts.
Que vous inspire l'année jubilaire 2025 ?
L'année jubilaire suscite toujours une profonde joie. En retraçant l'origine du jubilé telle qu'établie dans le livre prescrit par le Seigneur à Moïse et consignée dans le Lévitique, on peut voir qu'il s'agit d'une année de faveur accordée par le Seigneur. Une année de remise de dette, marquant ainsi un nouveau départ. Le Jubilé survient pour stimuler notre éveil, et nous réveiller de notre léthargie. L’année jubilaire est également une occasion pour nous rappeler de ce grand événement qui nous a acquis le salut et la naissance au milieu de nous, la venue du Verbe pour s'incarner, vivre et accompagner l'humanité dans sa marche vers le salut en Dieu.
En somme, le Jubilé est une année de joie, d’action de grâce au cours de laquelle le Seigneur dispose pour nous d'abondantes grâces et nous donne l’occasion de faire le point du chemin parcouru, en nous remettant en cause et pouvoir relancer notre marche à la suite du Christ.
Vous avez procédé à l'ouverture du Jubilé de 2025 dans votre archidiocèse, celui de Bouaké. Quel a été le message adressé au peuple de Dieu ?
Le message que j'ai adressé tenait en deux grands points. D’abord je suis parti de l’espérance, la vertu théologale forte à laquelle nous appelle le Pape François à travers la bulle d'indiction et qui est le thème central du Jubilé. À la suite du Saint-Père, j'ai invité le peuple de Dieu à l'espérance, contre toute espérance à l’instar d'Abraham. Un appel à espérer parce que l'espérance ne déçoit pas. (Rm 5,5)
Ensuite, étant donné que le 29 décembre 2024 marquait aussi la fête de la Sainte Famille et le trentième anniversaire d’existence de l’association «Familles Chrétiennes» AFC de notre diocèse, nous avons profité pour faire un clin d’œil à toutes nos familles, en les invitant à l'espérance. Beaucoup d'entre elles traversent des situations de détresse. Aujourd'hui, nos familles sont fortement menacées et les valeurs qui les soutiennent sont mises en mal.
L'année jubilaire doit être pour elles une occasion de se remettre en cause et voir comment relancer la marche à la suite de la Sainte Famille de Nazareth, en s'inspirant des valeurs et des vertus de celle-ci. La Sainte famille, non seulement, prie pour nous, mais surtout nous accompagne en raison de la foi qui l’habitait et de l'espérance qu’elle a pu vivre, en guise de source et de salut pour le monde.
Comment l’archidiocèse de Bouaké va-t-il vivre cette année de grâce ?
Cette année 2025 marque une trilogie de jubilé pour l'archidiocèse de Bouaké. Il y a le jubilé ordinaire et universel de 2025 que nous célébrons en communion avec toute l’Église universelle. Le deuxième Jubilé, notre jubilé particulier concerne la célébration du centenaire de l'évangélisation dans la région de Bouaké. Enfin, les 70 ans d'érection canonique du diocèse de Bouaké sera le motif d'un troisième et dernier jubilé. Tous ces événements représentent pour nous un moment significatif de gratitude à Dieu.
Ces trois événements seront associés et célébrés selon un programme bien établi. De fait, il y a des activités qui sont prévues tout au long du Jubilé ordinaire. En ce qui concerne notre jubilé particulier, le centenaire de l'évangélisation de Bouaké, il s’étendra sur trois ans. Au niveau pastoral, nous sommes en train de faire le point sur ce que les missionnaires ont réalisé et voir les défis à relever. À cet effet, des commissions ont déjà initié la réflexion. Nous sommes repartis de notre histoire diocésaine pour voir comment nos missionnaires ont mené la pastorale, pour nous en inspirer. Toutes nos structures demandent à être redynamisées. Nous avons tout une avalanche de programmes élaborés, entre autres des célébrations spirituelles, et celles à caractère sacramentel.
Sous quel signe placez-vous la célébration de ce triple Jubilé ?
Sous le signe de l'espérance. La raison en est simple: nous avons besoin de retrouver l'espérance. Nos situations diocésaines ou nationales nous plongent souvent dans les vases du pessimisme. Nous sommes peinés de toutes les situations malheureuses et de détresse que nous vivons au quotidien. Et parfois, on perd la foi. Alors le thème de l'espérance est bienvenu. L’Espérance nous invite à croire comme Abraham. Avec Dieu, même face aux difficultés, on en sort régulièrement libérés et sauvés. Au cours de sa marche, en exode, le peuple d'Israël a connu toutes sortes de difficultés. Il y a eu l'esclavage, il y a eu la déportation à Babylone, l'exil. Mais ce peuple, par son espérance et sa foi en Dieu, a retrouvé la libération, la paix et le bonheur avec le Créateur
Alors, nous voulons saisir cette invitation à l'espérance pour nous engager à la suite du Christ parce que nous croyons qu'avec Lui, nous ne serons jamais déçus, comme dit saint Paul dans sa Lettre aux Romains.
«Pèlerins d'espérance», est le thème de l'année jubilaire. Comment vivre l'espérance aujourd'hui dans un monde de troubles ?
La prière est et reste la première arme pour nous chrétiens. Aussi vivre les vertus d’humilité et de simplicité, c’est se mettre sur le chemin de l'espérance dans l’engagement à la rencontre des uns et des autres, pour créer des cadres, des moments de rencontres et de développement. En outre, vivre de l’espérance n’exclut ni la vérité ni la justice pour toute personne martyrisée.
En ce qui concerne notre archidiocèse nous comptons partir de toutes les associations telles que celles des Familles Chrétiennes, AFC, l'Association des Femmes Catholiques, AFEC, et aussi des communautés ecclésiales de base, CEB, pour créer des cadres de rencontres et d’échanges à travers différents thèmes qui nous aident à prendre des engagements fermes en vue d’une véritable conversion, et une remise en question. De la sorte nous pour repartirons vraiment de la crise, comme l'a dit le Pape Jean-Paul II lors du dernier Jubilé.
Partant de cette espérance en Dieu, quels sont vos vœux du nouvel an à l’endroit de vos diocésains et pour toute la Côte d’Ivoire ?
À mes diocésains: que l’année 2025 soit pour tous une de paix, de bonheur et d’espérance. Étant donné que nous ouvrirons en février prochain les festivités de notre centenaire d’évangélisation, je souhaite pour notre Église particulière un peu plus de dynamisme dans la pastorale et dans toutes les actions que nous allons mener au cours de ce jubilé particulier.
À toutes nos familles, je souhaite de vivre dans la paix.
L’an 2025 est une année électorale, en Côte d’Ivoire. L'élection présidentielle est prévue dans le courant du mois d'octobre. Malheureusement, depuis quelques années, cette élection-ci engendre une période de grandes craintes pour les Ivoiriens et les plonge dans une psychose de peur. Mais, c'est aussi là qu'il faut s'engager dans l'espérance parce que le Dieu que nous suivons n'est pas celui des morts, mais le Dieu des vivants.
Par conséquent, mes vœux sont des vœux de paix. Je souhaite que cette élection présidentielle soit organisée dans un climat vraiment apaisé sur la base de règles du jeux justes, consensuelles, et que les résultats soient ce qui reflète véritablement les réalités du vote. Qu’elle soit une élection crédible. C’est en cela que la Commission Électorale Indépendante, CEI, doit inspirer la confiance des Ivoiriens. Si nous avons une CEI crédible qui inspire confiance, il n’y a pas de raison que nous ne vivions pas des élections apaisées. Des élections justes et crédibles, c’est ce que je souhaite à la Côte d'Ivoire parce que nous devons entrer dans une ère de véritable justice et de paix.
Enfin, je souhaite à tous et à toutes d'entrer vraiment dans cette espérance à laquelle le Pape nous invite, parce que notre monde en a besoin. Il y a tant de malheurs et de tristesse, nous avons besoin de retrouver la joie de vivre ensemble dans une même marche à la suite du Christ. Bonne et heureuse année 2025 à tous et à toutes.
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