Une année d’espérance et de paix, les vœux de Mgr Ndjodo pour le Cameroun
Entretien réalisé par Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican
Du Liberia en passant par le Nigeria, le Mali, le Niger, le Tchad, la Guinée et le Cameroun, tous ces pays situés en Afrique centrale et Afrique de l’Ouest ont fait face à de graves inondations l'an dernier. Selon un communiqué publié par l’Unicef, depuis le début de l'année 2024, environ 4 millions de personnes dont de nombreux enfants ont été victimes des inondations en Afrique de l’Ouest et du Centre. La furie des eaux a aussi conduit au déplacement d’au moins 500 000 personnes et détruit sur son passage plus de 300 000 habitations.
Dans un entretien accordé à Radio Vatican–Vatican News, Mgr Faustin Ambassa Ndjodo, archevêque de Garoua, revient sur les moments aussi bien heureux que tristes qui ont marqué l’année 2024. Il nous explique également comment l’Église a cheminé avec les sinistrés durant ce moment de grande épreuve, et exprime son souhait de voir la situation s’améliorer du point de vue climatique l’année prochaine ainsi que son désir de paix pour les régions du Cameroun en proie à l’insécurité due aux incursions djihadistes.
Que dire de la célébration de Noël dans votre diocèse, dans une zone à prédominance musulmane?
Noël, c'est l’une des plus grandes fêtes ici. Nous sommes dans une région où l'Église catholique est minoritaire, au milieu d'une communauté musulmane ainsi que des frères et sœurs animistes. Néanmoins, nous constatons que la ville est embellie, signe que Noël est la fête de tous. Dans les églises, il y a eu une préparation spirituelle et nous avons profité du temps de l'Avent. Nous avons eu des célébrations dans les églises, dans les chapelles, déjà la veille de Noël, le jour de Noël. En outre, nous avons généralement les baptêmes des enfants à cette occasion. Et donc, je dirais que la fête était joyeuse et nous rendons grâce à Dieu que tout se soit bien passé sur tout le territoire de l’archidiocèse de Garoua.
Que lecture pourriez-vous faire de cette année qui s’achève ?
Au niveau de l’archidiocèse de Garoua, nous devons dire que l’année 2024 s'est bien passée de manière générale. Nous avons commencé l'année avec un projet pastoral que nous sommes en train de mettre en œuvre. Nous pensons que le Seigneur nous permet d'avancer même un peu plus loin que ce que nous avions espéré. Toutefois, évidemment, il y a eu aussi des moments éprouvants dans l'année que nous avons déplorés, notamment le départ de ce monde de beaucoup dans des circonstances diverses, mais il y a eu aussi des ordinations de prêtres pour lesquelles nous rendons grâce à Dieu. Il y a eu des événements joyeux, tout comme des événements tristes. La vie, en effet, est faite d'ombre et de lumière, de joie et de peine, mais globalement, nous disons merci à Dieu.
Au niveau social, on ne peut pas oublier ce qui s'est passé avec les inondations qui ont eu lieu plutôt dans l'extrême nord, dans la zone de Yagoua, et dont nous avons senti les secousses à Garoua. Et je crois que la vie est un peu difficile parce qu'il y a des gens qui ont perdu des maisons, qui ont été engloutis dans les eaux. Et quand on n'a pas de récolte pour une grande partie de la population, ça se répercute partout ailleurs, avec les prix qui grimpent et deviennent hors de portée.
De notre côté, dans la zone de Garoua ainsi que les campagnes environnantes, la pluviométrie a été un peu capricieuse, c'est-à-dire qu'il y a eu un arrêt de pluie brusque. Nous n’avons bénéficié que de quatre mois de pluie, mais il y a eu un arrêt de pluie inhabituel entre mi-juin et mi-août. Cela fait que des cultures comme le maïs ont pris un coup, et pendant la période de floraison, il n'y a pas eu de production. Cela va impacter considérablement la consommation de maïs, qui est grande mais malheureusement peu suivie. Et donc l'année 2024, sur ce plan-là, nous a laissé quand même un souvenir difficile.
Le Cameroun, particulièrement dans sa partie Nord, a été secoué par de grandes pluies diluviennes causant des inondations accompagnées d’énormes dégâts matériels et humains. Comment l’Église a-t-elle cheminé avec les sinistrés pendant ce temps de grande épreuve ?
Vous savez, quand une situation pareille arrive, il y a de la détresse, mais il y a aussi une mobilisation pour aider et accompagner les personnes en difficulté. Et là, pour ce qui concerne l'Église, nous avons réagi à trois niveaux. Il y a d'abord eu l'urgence qu'il fallait gérer et nous avons essayé de réagir, surtout du côté du diocèse de Yagoua qui a été très touché. Ensuite, on s'est organisé au niveau de la province ecclésiastique, quelques semaines seulement après, pour apporter une aide à travers la Caritas diocésaine de Yagoua. Toutefois, il reste beaucoup de pauvres qui, au quotidien, affrontent de grandes difficultés.
Généralement, ils viennent vers les églises car ils ont besoin d'aide pour manger. Il y a aussi des élèves qui doivent aller à l'école mais qui n'ont rien. Il faut avoir au moins quelques cahiers, quelques fournitures et des éléments de base pour leur survie. Nous avons pensé qu'au niveau de la province ecclésiastique, d'autres diocèses pourraient appuyer la Caritas diocésaine de Yagoua pour faire face à ces besoins élémentaires mais importants.
Enfin, au niveau de la Conférence épiscopale, il y a eu une collecte, tous les jours, pour apporter un appui aux populations sinistrées. Nous avons participé aussi à cette quête et c'est au niveau de la Conférence épiscopale que tout est acheminé en vue d'apporter cette assistance. Voilà pour ce qui est de l'assistance alimentaire et en termes de soins, que l'on peut apporter dans cette situation d'urgence. Et sur le plan spirituel, nous essayons de faire comprendre aux gens que Dieu ne les a pas abandonnés, que les catastrophes naturelles ne renvoient pas à une punition divine. Nous les exhortons donc à comprendre que c'est au nom de Dieu, compatissant et miséricordieux qui les accompagne, que nous leur venons en aide, aux sinistrés et à ceux qui sont en difficulté.
Pour cette nouvelle année, quels pourraient être vos vœux?
La plus grande prière que nous avons, vu que nous sommes dans une zone un peu critique du point de vue climatique, c'est d'abord celle d’une bonne pluviométrie qui soit équilibrée, pas de trop grandes sécheresses, pas de trop grandes pluies non plus, et que les problèmes de famine ne se posent plus pour que les gens aient suffisamment à manger, afin de s'adonner à d'autres activités.
Par ailleurs, nous prions pour que l'insécurité diminue dans nos zones et que nous puissions tous ensemble avancer dans la fraternité, la paix, la convivialité, l’harmonie entre les membres des différentes religions dans notre contexte de pluralité religieuse. Enfin, je souhaiterais que chacun puisse poursuivre des objectifs plus grands qui nous élèvent tous et qui font que l'humanité soit davantage honorée en chaque personne.
Le 24 décembre a été ouverte l’Année Sainte par le Pape François, et le 29 décembre a été ouvert le Jubilé de l’espérance dans tous les diocèses du monde. Excellence, comment entendez-vous vivre ce moment de grâces dans l’archidiocèse de Garoua et que représente ce Jubilé, selon vous, pour les fidèles du Cameroun?
Nous avons suivi en effet, à travers les médias, l'ouverture de l'année jubilaire avec l'ouverture de la Porte Sainte au Vatican. Nous, ici, nous avons suivi les instructions du Saint-Père. Nous avons eu dimanche 29 décembre, la fête de la Sainte Famille au cours de laquelle a été ouvert le Jubilé au niveau local.
Il y a des groupes qui se sont organisés pour être présents à cette première célébration, mais aussi avec l'encadrement du bureau pastoral. Il y a également des programmes de pèlerinage, des catéchèses et des exercices spirituels. Beaucoup de choses sont initiées, programmées pendant cette Année Sainte un peu partout dans les paroisses, les communautés chrétiennes, les associations, les confréries et les mouvements ecclésiastiques. Et je crois que cette année sera une année sainte vraiment pour nous d'autant plus qu’en cette année, nous aurons à célébrer les 70 ans de notre archidiocèse. Cela apporte donc un plus au jubilé de l'Église, car nous aurons aussi notre petit jubilé à notre niveau.
Donc, nous avons tous cette espérance que déjà notre Église grandit, que notre Église va se solidifier dans tous ses compartiments, mais nous avons également l'espérance qu’individuellement, mais aussi dans les familles, il y aura un mieux-être pour tout le monde.
Mgr Faustin, quel serait votre dernier mot?
Mon dernier mot serait d’implorer la bénédiction de Dieu, déjà sur notre archidiocèse, mais aussi sur tous ses enfants qui sont dans notre contrée, sans oublier ceux du monde entier. Je crois que cette bénédiction de Dieu, c'est comme la semence qui tombe partout, et qui se développe par la grâce du Seigneur ainsi que le travail et l'engagement des uns des autres. Que le Seigneur bénisse donc tout le monde en cette nouvelle année et que ce qui nous a fait pleurer durant cette année qui s’achève, se transforme en des moments de joie et de grâces.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici