Aux Philippines, l'Église approuve l'arrestation de Rodrigo Duterte
Lisa Zengarini – Cité du Vatican
Les évêques des Philippines ont salué l'arrestation en début de semaine de l'ancien président Rodrigo Duterte pour crimes contre l'humanité, estimant qu'elle marque un pas vers la responsabilisation et crée un précédent pour lutter contre les violations des droits de l'homme dans le pays.
L'homme fort des Philippines, qui a dirigé le pays de 2016 à 2022, a été placé en détention à l'aéroport de Manille le 11 mars par les autorités philippines à la suite de l'émission d'un mandat d'arrêt de la CPI après une enquête de plusieurs années sur sa célèbre «guerre contre la drogue» meurtrière. Un avion transportant Rodrigo Duterte est arrivé aux Pays-Bas mercredi 12 mars et a été remis immédiatement à la Cour Pénale Internationale (CPI).
La «guerre contre la drogue» meurtrière de Duterte
Rodrigo Duterte est depuis longtemps accusé d'exécutions extrajudiciaires. Des milliers de personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants, principalement des jeunes hommes issus de communautés défavorisées, auraient été exécutées pendant son mandat, souvent par des policiers véreux ou des tueurs à gages. Alors que les registres officiels de la police font état de plus de 6 200 exécutions extrajudiciaires, des organismes de surveillance indépendants estiment que le nombre réel est nettement plus élevé (entre 12 000 et 30 000), de nombreux toxicomanes urbains et pauvres ayant été tués dans des circonstances mystérieuses.
L'enquête de la CPI porte sur la période 2011-2019, qui inclut la période où Rodrigo Duterte était maire de Davao, où sa famille est au pouvoir depuis des décennies.
Réactions
Son extradition forcée vers La Haye a été largement approuvée par l'Église catholique, les organisations de défense des droits de l'homme et les familles des victimes, bien que ses partisans considèrent l'arrestation comme une persécution injuste d'un dirigeant qui, selon eux, a rendu le pays plus sûr.
Mgr Gerardo Alminaza, évêque de San Carlos et vice-président de Caritas Philippines, a souligné que les meurtres commis sous le régime de Rodrigo Duterte n'étaient pas des actes de violence aléatoires, mais plutôt une politique systématique qui portait atteinte au droit fondamental à la vie. Les plaintes déposées contre Rodrigo Duterte auprès de la CPI allèguent qu'il a maintenu un «escadron de la mort» pour poursuivre les personnes soupçonnées de trafic de drogue à Davao, et qu'il a ensuite reproduit ce modèle à l'échelle nationale lorsqu'il a été élu président.
Mgr Jose Colin Bagaforo, évêque de Kidapawan a fait remarquer que cette arrestation est une étape cruciale vers la justice pour les victimes. «La véritable justice est celle de la responsabilité, de la transparence et de la protection de la dignité humaine», a-t-il déclaré.
L'évêque, qui est également président de Caritas Philippines, a mis l'ancien président au défi de s'en tenir à ses déclarations passées, selon lesquelles il était prêt à faire face aux conséquences de ses actes: «Pendant des années, Duterte a affirmé qu'il était prêt à faire face aux conséquences de ses actes. Le moment est venu pour lui de le prouver», a-t-il déclaré.
Besoin de vérité, de réparations et de justice pour les victimes
Dans une déclaration publiée le 11 mars, l’organe humanitaire de l'Église catholique a souligné le besoin de vérité, de réparations et de justice pour les victimes. Le communiqué qualifie l'arrestation de Rodrigo Duterte de moment charnière pour le pays et exhorte le peuple philippin à veiller à ce que de tels crimes ne se reproduisent jamais et à ce que l'État de droit prévale.
Pendant sa présidence, l'Église des Philippines a exprimé à plusieurs reprises des critiques audacieuses contre la brutalité de sa répression de la drogue.
Son arrestation ne signifie pas qu'il est coupable, mais l'évêque de Taytay, Mgr Broderick Pabillo, a déclaré que les crimes commis sous la direction de l'ancien dirigeant devaient faire l'objet d'une enquête. «C'est ce que devrait être la démocratie: personne n'est au-dessus de la loi et chacun doit répondre de ses actes», a-t-il déclaré à Radio Veritas, dirigée par l'archidiocèse de Manille.
Une étape cruciale vers l'obligation de rendre des comptes aux Philippines
Des ONG de défense des droits de l'homme, dont Amnesty International et Human Rights Watch, se sont fait l'écho de ces sentiments, décrivant l'arrestation comme une étape cruciale vers l'obligation de rendre des comptes aux Philippines.
Rodrigo Duterte avait précédemment insisté sur le fait que la CPI n'avait pas compétence sur les Philippines, puisqu'il avait retiré le pays du tribunal en 2019, trois ans après que celui-ci ait pris note de l'augmentation du nombre de morts due à la guerre de la drogue. Mais, comme l'explique l'avocat Aaron Pedrosa, cité par Uca News, selon le Statut de Rome qui est à la base de la CPI, la Cour reste compétente pour les crimes présumés commis avant qu'un pays ne quitte le tribunal.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici