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Des familles alaouites ayant fui au Liban voisin, le 11 mars 2025. Des familles alaouites ayant fui au Liban voisin, le 11 mars 2025.  

Mgr Mourad: «On est encore loin de la démocratie et de la liberté en Syrie»

De passage à Rome, l'archevêque syriaque catholique de Homs revient sur le climat de défiance qui règne en Syrie, après les récents massacres qui ont visé la communauté alaouite sur la côte ouest, ainsi que sur les craintes des chrétiens quant à l'avenir institutionnel du pays.

Olivier Bonnel - Cité du Vatican

«C’est une nouvelle page de l’histoire de la Syrie, où nous remplaçons l’injustice par la justice». C'est avec ces mots triomphalistes que le président de transition syrien Ahmed al-Sharaa a salué le 13 mars dernier la signature d'une déclaration constitutionnelle, censée poser les bases du futur État syrien. La Constitution précédente, forgée durant le régime bassiste des Assad, a été abolie et des élections ont été annoncées dans le pays d'ici «quatre à cinq ans». 

Derrière l'optimisme affiché, la Syrie a pourtant de nouveau été rattrapée par ses fantômes dès les premiers jours de mars: près de 1 600 personnes ont été massacrées dans l'ouest du pays, dans les bastions alaouites essentiellement, par les forces armées du gouvernement de transition, appuyés par des factions islamistes radicales. Une flambée de violence qui ramène le pays à ses fractures confessionnelles et hypothèque les promesses du gouvernement de transition d'une nouvelle Syrie «inclusive». 

Témoin privilégié de ces soubresauts, Mgr Jacques Mourad, l’archevêque syriaque-catholique de Homs, dans le centre du pays. De passage à Rome, il nous a partagé ses doutes concernant l'avenir du pays et se fait porte-parole de l'inquiétude des chrétiens.

Mgr Jacques Mourad, archevêque de Homs

Près de 1 600 personnes ont été massacrées dans l'ouest de la Syrie, vers la côte, essentiellement des membres de la minorité alaouite. Vous attendiez-vous à une telle explosion de violence?

Oui, malheureusement, les actes violents, les massacres ne sont pas finis. Cela met vraiment en question le gouvernement actuel et, avant tout, la sincérité de ce gouvernement. Car pour tout le peuple syrien, il y a une grande différence entre les discours tenus et la réalité. Soit ils manipulent, soit ils ne sont pas capables de gérer le pays. Cela voudrait dire que ce gouvernement n'est pas digne de continuer, et de prendre la charge et la responsabilité d'un pays comme la Syrie, un pays qui n'a jamais eu un visage fanatique ou celui d'un islam fanatique. Ce qu'il se passe en Syrie fait très mal à l'islam. Si l'islamophobie existe dans le monde aujourd'hui, ce n'est pas à cause des peuples qui ont de la haine, ou qui en ont marre de l'islam, mais c'est à cause de ces actes violents, de ces massacres, de ces visages qui présentent l'islam d'une façon négative. Parce que l'islam, au fond, ce n'est pas comme ça. Nous, on vit avec les musulmans depuis toujours. On a des amitiés, on a des bons rapports, on a une bonne histoire avec eux, même s'il y a pu avoir des moments très difficiles, très douloureux dans notre mémoire récente et même dans l'histoire. Mais je suis triste quand on parle des massacres des alaouites sur la côte, car on se concentre sur le côté négatif, mais personne n'a parlé du peuple sunnite, des habitants de ces régions qui ont accueilli, qui ont protégé les alaouites, leurs voisins, leurs amis. C'est dommage et c'est triste. On cherche toujours à montrer le côté négatif, le mal, et on ne montre pas le bien. C'est un grave problème.

On a parlé aussi de chrétiens qui avaient pu être massacrés dans certaines régions de Syrie. Le confirmez-vous?

Oui c'est vrai, quelques-uns ont été massacrés, autour de douze, treize personnes. Ce sont les chiffres que j'ai eus par des sources dignes de confiance. Parmi les victimes de tous ces massacres, il y avait également des soldats et des forces de sécurité de ce nouveau gouvernement.

Il y a quelques jours, le gouvernement de transition a dévoilé la future Constitution du pays. Il y a des signes positifs sur la liberté d'expression, la place des femmes, mais il y a aussi des signes d'inquiétude. Le fait notamment que la loi islamique reste et devrait rester l'inspiration de la future Constitution. Quel regard portez-vous sur cette Constitution? Quelles sont vos attentes, vos craintes?

Je suis, comme la majorité du peuple syrien, pas en faveur de cette Constitution signée par le président du gouvernement transitoire. Le problème, ce n'est pas que la Syrie soit islamique car c'est aussi la vérité. Nous tous, dans le sens du mot, nous sommes tous «islam», car l'islam signifie l'abandon en Dieu. Si l’on présente l'islam de cette façon, je suis tout à fait d'accord et je suis fier. Mais la réalité est complètement différente. On ne peut pas accepter que le pays soit dirigé par la loi islamique. Ce n'est pas acceptable ça. Car la loi islamique n'a pas de respect pour la liberté individuelle. Et il y a beaucoup de différences entre les droits de l'homme et la loi islamique. Cela ne peut pas être la source de la législation dans notre pays.

Qu'attendent les chrétiens syriens de cette nouvelle Constitution?

Ils ont tous peur, sont préoccupés et n'ont aucune confiance dans ce gouvernement. Tout le monde se pose la question de l'émigration, parce que concrètement, on se sent étranger dans notre pays, les gens sont enfermés dans leur maison. Quand le gouvernement de transition veut faire appel à nous chrétiens, il choisit les personnes qui lui conviennent, comme cela a été le cas pour la Constitution, ils n'ont pas invité tous les chrétiens [à participer]. On est donc très loin de la démocratie et de la liberté. Je ne peux pas dire que nous voulons que dès demain la Syrie devienne un pays démocratique et libre, mais le problème est qu'il n'y a aucun signe qui nous aide à avoir de l'espoir.

Mgr Jacques Mourad (dr) avec le cardinal Gugerotti en janvier dernier.
Mgr Jacques Mourad (dr) avec le cardinal Gugerotti en janvier dernier.

Pour les chrétiens de Syrie aujourd’hui, n'y a-t-il pas une opportunité de se rapprocher, de se réunir, de créer peut-être une plateforme rassemblant différentes communautés pour peser plus vis-à-vis des nouvelles autorités, ou est-ce difficile?

On a beaucoup travaillé pour parler d’une seule voix face à ce nouveau gouvernement. Par exemple, à Alep, ils ont vraiment pris l'initiative. Ils ont fait un essai par une déclaration commune qui représente tous les chrétiens d'Alep. Mais ailleurs, ce n'était pas possible. Il y a quand même, une certaine atmosphère d'harmonie entre nous. On a essayé d'organiser un congrès pour les chrétiens sur le modèle du synode, comme dans le reste de l'Église dans le monde. Dans ce cadre, on a voulu que nous tous, avec les orthodoxes et les protestants, organisions ce congrès avec des laïcs qui peuvent s'exprimer, que ce soit vraiment une occasion pour que tout le monde puisse s’exprimer, parler et dire les choses comme ils pensent, avec respect et liberté. Malheureusement, cela n'a pas été possible jusqu'à maintenant, parce qu'il n'y a pas un vrai désir commun chez nous de parler d’une seule voix. Et ça, c'est très triste, surtout que nous sommes devenus une petite communauté.

La Syrie est un pays ruiné, économiquement, socialement, un pays très pauvre. Qu’attendez-vous de la communauté internationale aujourd'hui pour qu'elle puisse aider les Syriens à se remettre debout?

Ce n'est peut-être pas très gentil de dire cela, mais moi je n'ai pas tellement confiance face aux choix politiques de la communauté internationale. Parce qu'après tout ce qui se passe à Gaza, en Palestine, comme au Yémen, en Libye, au Nigéria, etc. qu’a fait la communauté internationale pour arrêter les morts, les massacres, les guerres? Ce que nous vivons aujourd'hui en Syrie, c'est à cause du manque de responsabilité de la communauté internationale. Il faut aussi mentionner que la Syrie n'est pas comme les autres pays. Si la communauté internationale est sérieuse dans sa recherche pour la paix, elle doit d'abord réaliser cette paix en Syrie. Car la Syrie, c'est la clé, c'est le pays qui fait le lien entre tous les pays de l'Asie et l'Europe. Si nous voulons vraiment travailler sur une vraie paix sur le bassin méditerranéen, comme le Pape le souhaite, alors il faut protéger la Syrie et son peuple parce que sinon, nous deviendrons comme l'Afghanistan.

Faut-il lever les sanctions internationales?

D'abord, il faut clarifier le rôle. Que veulent les pays qui ont imposé ces sanctions? Si c'est vrai que les sanctions ont été prise contre la famille et le régime Assad qui a dominé la Syrie et qui a amené le pays à cette misère, si c'était ça la condition, maintenant, c'est fini, Assad est parti. Donc pour quelle raison les sanctions sont maintenues? Si vous êtes sérieux pour aider la Syrie à retrouver sa paix, tout d'abord, il faut lever les sanctions parce que c'est seulement comme ça que le peuple peut se remettre debout. Je répète, je ne comprends pas pourquoi ils ne le font pas tout de suite, de quoi ont-ils peur? Lever les sanctions, cela veut dire reprendre les travaux, les chantiers, cela garantit aux gens de vivre de leur travail. Moi je pense qu'il faut confier à saint Paul et à la Vierge Marie le désir que les sanctions soient levées. Tout le monde sait que les sanctions ont été l’une des raisons principales de la misère dans laquelle vit le peuple syrien.

De quoi a le plus besoin la Syrie, et de quoi ont le plus besoin les Syriens aujourd'hui selon vous?

La nourriture, les soins médicaux et l'éducation sont les trois principaux besoins pour sauver les Syriens. Le quatrième est celui de résoudre le problème du logement. Je ne suis pas d'accord de faire des projets de reconstruction rapidement sans que cela ne soit bien étudié au préalable. Je prie, je supplie les gens qui ont la responsabilité pour la reconstruction de vraiment faire attention à tous ces aspects. Qu’ils aident à nous faire avoir un pays bien développé, et pas à moitié comme c'est le cas aujourd'hui. 

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25 mars 2025, 15:48
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