RD Congo: l'abbé Cibaka promeut une pastorale éthique de la vie
Marie José Muando Buabualo – Cité du Vatican
«Nous aimons la vie. L'Afrique, c'est le continent de la vie mais dans les faits... Lorsque cette vie est menée par l'insécurité, la faim, l'exposition facile aux maladies, il y a quelque chose qui manque. Il nous faut donc toute une spiritualité de la vie, nous l'avons, il nous faut aussi toute une éthique de la vie», nous a affirmé le professeur Cibaka à l'issue de la 30ème Assemblée générale de l'Académie pontificale pour la Vie qui s'est tenue à Rome du 3 au 5 mars, et qui avait pour thème La fin du monde? Crises, responsabilités, espoirs. Une rencontre qui a réuni des lauréats du prix Nobel, des astronomes, des physiciens, des biologistes, des paléoanthropologues, des théologiens et des historiens pour discuter de la manière dont les connaissances peuvent se confronter et travailler ensemble pour sauver l'humanité et la maison commune. Le père Cibaka a souligné combien la rencontre a abordé, grâce à l’expertise de plusieurs membres et de plusieurs conférenciers invités, les grandes questions que soulève la science par rapport à la fragilité «non seulement de notre vie, mais de l'ensemble de la création, également de la race humaine qui est en situation de déperdition».
Le contexte culturel face aux défis éthiques à relever
Face aux différentes crises passées en revue lors de cette rencontre, le père Cibaka souligne que la responsabilité humaine. L'être humain est retenu comme le premier responsable de la destruction de l'environnement, selon les experts présents à Rome. Pour ce qui concerne les défis à relever dans le contexte africain, le professeur Cibaka fait remarquer que les questions de société ont été analysées selon l’évolution de la science dans le nord global. «Les questions du sud global, ou les questions de l'Afrique, sont souvent des questions oubliées», poursuit-il en indiquant que la réponse à ce défi incombe aux sociétés africaines pour qu’elles parviennent à «lever la voix pour se faire comprendre.» Il a expliqué que les problématiques sociales nées dans un contexte social donné sont conditionnées par l'évolution de ce contexte et les autres réalités ont besoin d’une recherche locale pour trouver des solutions.
L’amour de la vie face à la banalisation de la mort
À la question de comprendre la contradiction entre l'amour pour la vie et tout ce qui va à son encontre, notamment dans son pays, la République démocratique du Congo, le professeur Cibaka, tout en reconnaissant le dilemne entre l’idéal et le réel, estime que «l’amour de la vie, la culture de la vie et la passion pour la vie» doivent sortir de la dimension purement familiale pour habiter tous les espaces de la société.
«Chez nous il y a des problèmes d'hygiène. Là où il y a manque d'hygiène, il n'y a plus de culture de la vie. Chez nous il y a un problème d'autosuffisance alimentaire. On a des terres riches mais nous sommes incapables de nous nourrir donc c'est déjà contraire à la vie. Chez nous il y a toutes ces guerres. Nous sommes le continent où il y a le plus de guerres actives ; chez nous au Congo, c'est même presque banalisé, il y a 30 ans d'une guerre permanente qui a déjà décimé la vie des millions de personnes. Il y a le Soudan, il y a le Soudan du Sud, etc. Nous avons donc un continent où on aime la vie, mais aussi où on la combat», estime le père Cibaka. Le recteur de l’université officielle de Mbuji Mayi poursuit sa réflexion, en évoquant la courte espérance de vie sur le continent, une autre démonstration du fait que l’amour pour la vie est contrastée par un manque d'éthique pour sa sauvegarde. «Lorsqu'on naît sur ce continent, la distance entre le sein de sa mère et le sein de la terre ; le sein de la mère comme temple de vie, et le sein de la terre comme le tombeau vers lequel chacun de nous marche, c'est la distance la plus courte au monde parce que nous sommes menacés par plusieurs facteurs», fait-il remarquer.
Revenant aux problèmes débattus lors de la 30ème Assemblée générale de l’Académie pontificale pour la Vie, il estime que parler de bioéthique dans un contexte propre au Nord de l'hémisphère pose une autre série de questionnements. En Afrique, «on abordera moins des questions d'euthanasie ou de soins palliatifs, d'accompagnement de personnes âgées car, on est confronté à des problèmes vitaux, des problèmes de base que nous n'avons pas encore résolus.»
À cela, il ajoute ce qu’il qualifie de «parasitages silencieux» «des programmes de santé imposés et qui ne sont pas nécessairement au service de la vie.» C’est à nous de réfléchir, poursuit-il, pas seulement en proclamant avec nos paroles que nous aimons la vie. L'Afrique c'est la vie, mais pas dans les faits. «Lorsque cette vie est menée dans des conditions qui ne sont pas honorables, lorsque cette vie est menée dans l'insécurité, dans la faim, dans l'exposition facile aux maladies, alors là, il y a quelque chose qui manque.»
Adopter une pastorale éthique de la vie à travers l’éducation
En tant que théologien et prêtre, le père Cibaka souligne qu’il faut promouvoir, aux côtés de la dimension spirituelle, toute une éthique de la vie sur plusieurs fronts: sur le front politique «parce que nous sommes souvent victimes des états qui n'ont pas su être à la hauteur de leur mission», mais aussi sur le front de la culture. «Il faut que les gens sachent qu'ils sont les premiers responsables de leur vie, de leur sécurité, de la qualité de leur vie.» Pour cela, affirme encore le père Cibaka. il y a un travail d'éducation qu'il faut mener. «Dans la formation qui est dispensée, nous parlons de la vie éternelle, mais il faut aussi qu'on parle de la vie présente, faire comprendre que c'est vraiment une offense à Dieu lorsque le don de la vie sur cette terre est un don que nous ne prenons pas avec tout le sens de responsabilité qui s'impose.» Une pastorale est à développer, conclut le professeur Appolinaire Cibaka Cikongo, membre de l’Académie pontificale pour la Vie.
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