Le jeu d’équilibriste de l’Arabie Saoudite
Entretien réalisé par Marine Henriot - Cité du Vatican
«Vision 2030», tel est le plan lancé en 2016 par le prince héritier Mohammed ben Salmane pour restructurer l’économie saoudienne. Ce jeudi 22 février, le royaume salafiste a annoncé investir l’équivalent de 64 milliards de dollars (soit environ 52 milliards d’euros) dans la culture et le divertissement ces dix prochaines années. Lors d'une présentation officielle à Ryad, le président de l'Autorité générale du divertissement dans le royaume ultraconservateur, Ahmad ben Aqil al-Khatib, a précisé que l'argent viendrait à la fois de l'Etat et du secteur privé. «Nous bâtissons déjà l'infrastructure nécessaire et la construction d'un opéra fait partie de ces projets», a-t-il ajouté. Selon Ahmad ben Aqil al-Khatib, plus de 5000 évènements culturels étaient prévus cette année, «Vous verrez un véritable changement d'ici 2020».
Que le peuple s'amuse!
En début de semaine, le 19 février, l’Arabie saoudite annonçait accueillir en mars, pour la première fois, l’Arab Fashion Week. Elle se tiendra du 24 au 31 mars à l’Apex centre dans la capitale saoudienne, une deuxième édition est déjà prévue à Ryad du 23 au 27 octobre.
Des réformes basées sur les modèles des Émirats Arabes Unis, en particulier Abou Dabi et Dubaï, mises en place pour redorer l’image du pays mais aussi pour renforcer l’économie du royaume salafiste, nous explique Stéphane Lacroix, docteur en sciences politiques à Science Po Paris. Le gouvernement saoudien ne veut plus laisser ses citoyens aller dépenser leur argent dans les Émirats pour se divertir et aimerait lui aussi sa part du gateau dans une économie du tourisme grandissante dans la région.
Augmenter la place des femmes dans la vie publique
Pour stimuler le secteur privé, le gouvernement autorise désormais les Saoudiennes à créer leurs propres entreprises sans solliciter le consentement d’un tuteur masculin. Depuis l’année dernière, le puissant prince héritier a lancé une série de réformes pour augmenter la participation des femmes à la vie publique. Actuellement, la force de travail féminine représente 22%, le but est d’atteindre les 30%. De nombreuses femmes, souvent avec un niveau d'éducation supérieur aux hommes, restent innocupées dans le royaume saoudien. Le 12 février, le parquet de Ryad a ainsi annoncé son intention de recruter des femmes pour la première fois.
Il faut toutefois préciser que les Saoudiennes restent confrontées à de nombreuses restrictions, elles nécessitent par exemple toujours la permission d’un homme de leur famille pour avoir le droit d’étudier ou voyager.
Soft power salafiste
Jusqu'à aujourd'hui, l'influence de l'Arabie Saoudite dans le monde était principalement religieuse, des institutions arabes comme l'Organisation de la coopération islamique s'assurait de la diffusion de l'idéologie salafiste dans le monde entier. Mais il semble que le Royaume en veut maintenant plus, et le développement de son soft power passe par une restructuration de son économie, notamment touristique et un blason redoré.
Revers de la médaille
Parallèlement à ces signes d’ouvertures économiques, le régime n’a jamais été aussi rigoureux envers ses opposants politiques, qui grouillent dans les geôles saoudiennes. Par ailleurs, ce processus d’ouverture intervient alors que l’image de l’Arabie Saoudite est entachée par la guerre au Yémen, c’est ce que nous explique Stéphane Lacroix dans notre entretien.
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