Les employées de la filiale marocaine de Danone, lors d'une manifestation contre le boycott devant le parlement de Rabat, le 5 juin 2018. Les employées de la filiale marocaine de Danone, lors d'une manifestation contre le boycott devant le parlement de Rabat, le 5 juin 2018.  

Au Maroc, une campagne de boycott pour manifester contre le pouvoir

Au Maroc, une campagne de boycott contre trois marques symboliques du capitalisme du pays fait trembler patrons et politiques. Un mode de contestation inédit et qui gagne en puissance: lancé il y a six semaines, près d’un quart des Marocains ont déjà changé leurs habitudes de consommation.

Marine Henriot - Cité du Vatican

Les produits laitiers Danone, le leader des stations services Afriquia et l’eau Sidi Ali… trois marques dans le collimateur des consommateurs marocains depuis le 20 avril. Une campagne de boycott inédite dans le pays: trois Marocains sur quatre ont entendu parler du mouvement, et un quart des consommateurs a limité ou stoppé ses achats pour les produits de ces marques. Les conséquences de ce boycott se font déjà sentir, Danone a mis terme aux contrats de près de 900 intérimaires. La filiale a averti que son chiffre d'affaires baisserait de 20% au premier semestre.

Un boycott politique

Un boycott qui n’est pas seulement économique mais aussi éminemment politique nous explique l’historien spécialiste du Maghreb, Pierre Vermeren. Les trois marques visées sont «symboliques du capitalisme marocain et gravitent dans l'orbite du pouvoir». Le boycott touche directement les intérêts du ministre de l'Agriculture Aziz Akhannouch et président d'un des plus importants partis de la coalition, le Rassemblement national des indépendants (RNI), son groupe Afriquia étant une des cibles. La filiale de Danone a elle longtemps appartenue à des proches du pouvoir. 

Cette campagne fragilise la déjà faible coalition gouvernementale dans le pays. Lahcen Daoudi, une figure du parti islamiste et ministre des Affaires générales, a participé à un sit-in des salariés de Danone qui manifestaient leur crainte de perdre leur emploi, sa présence a suscité un tollé auprès des Marocains et des membres de son parti, poussant le ministre à la démission.

Une manifestation non violente

Si cette forme de boycott rencontre un succès grandissant, c’est parce qu’elle est anonyme, discrète et non violente nous explique Pierre Vermeren. Quand il est possible d'arrêter ou condamner un manifestant, le gouvernement n’a actuellement aucune prise sur les citoyens qui pratiquent le boycott et la la campagne a été lancée de façon anonyme, «Pas de leaders, pas de prison» résume l’historien.

Pourquoi ces marques, quelles sont les réactions du gouvernement et comment le boycott devient une nouvelle forme de manifestation pour les Marocains, les réponses de Pierre Vermeren à écouter dans notre interview.  

Interview du spécialiste du Maghreb Pierre Vermeren

 

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18 juin 2018, 08:33