En Inde, 10 ans après le massacre d'Orissa, les chrétiens attendent toujours justice
Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican
«Nous sommes persécutés mais nous ne sommes pas abandonnés, abattus mais pas écrasés». Une citation de Saint-Paul que l’on retrouve dans la lettre d’invitation envoyée par Mgr John Barwa à ses frères évêques. Ce samedi 25 août, l’archevêque de Cuttack-Bhubaneswar a présidé une messe de réconciliation et d’action de grâce pour les témoins de la foi, morts en martyrs il y a dix ans en Orissa « afin que leurs vies puissent nous inspirer et nous encourager».
En 2008, une vague de violences antichrétiennes sans précédent dans le pays s’est abattu sur le Kandhamal, un des 30 districts de cet État du nord-est de l’Inde. Le 23 août, un leader hindou est tué dans son ashram par un groupe maoïste. Des rumeurs colportés par des fondamentalistes hindous du RSS (le Rashtriya Swayamsevak Sangh, la branche armée du parti au pouvoir, le BJP) rendent les chrétiens responsables du meurtres, déclenchant les pogroms dans plus de 400 villages.
Que sont devenus les 56 000 déplacés ?
À partir du 24 août et en quelques semaines, plus de 100 chrétiens, des Dalits en particulier, sont assassinés. 393 églises et lieux de culte chrétiens sont détruits, plus de 6 000 maisons sont rasées au sol, des établissements sanitaires ou scolaires sont saccagés, obligeant 12 000 écoliers à suspendre leur instruction. Quelque 40 femmes sont violées. Pour échapper à la mort, aux humiliations ou aux conversions forcées, plus de 56 000 personnes sont contraintes de quitter le Kandhamal.
10 ans plus tard, ils sont encore éparpillés dans différentes parties du pays. Certains sont rentrés chez eux, mais sans être sereins. Les fondamentalistes indiens les ayant attaqués sont encore en liberté, bénéficiant semble-t-il d’une totale impunité.
Un travail de justice inabouti
L’agence Fides rapporte que sur plus de 3 300 plaintes déposées, seuls 827 cas ont été enregistrés au tribunal. Parmi eux, 247 ont été archivés sans qu’aucun coupable ne soit désigné par manque de preuve ou de témoin. De nombreux procès restent en cours de jugement, certains se sont conclus par des acquittements.
En 2016, la Cour suprême a reconnu que le quantum et la mesure du dédommagement des victimes n’étaient pas suffisants. Elle s’est également inquiétée de l’archivage de tous ces dossiers demandant au gouvernement de l’Orissa de réexaminer ces cas, sans que cela n’ait été fait à ce jour.
Aucun des fondamentalistes n’est aujourd’hui en prison, précise Fides. En revanche, sept chrétiens accusés de l’assassinat à l’origine des violences, sont incarcérés depuis dix ans. 50 000 personnes ont signé une pétition pour réclamer leur liberté.
Témoignage de Mgr Felix Machado
Mgr Felix Machado, évêque de Vasai dans le nord du pays, a été invité à la messe d’action de grâce. Il revient avec nous sur l’importance du témoignage des martyrs de l’Orissa. Les évêques indiens ont d’ailleurs demandé l’ouverture de leur procès en béatification en 2016. Il nous explique également comme l’Église a tâché d’accompagner les victimes de l’Orissa, et où en est la justice aujourd’hui. Il se félicite de l’amélioration des relations avec les autorités.
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