Les soutiens internationaux se multiplient pour Asia Bibi
L’affaire Asia Bibi occupe le devant de l’actualité depuis une semaine. Après l’annonce mercredi dernier de son acquittement par la Cour suprême pakistanaise, l'annonce inverse des concessions du gouvernement pakistanais, effectuées sous la pression des partis islamistes qui avaient manifesté violemment durant trois jours, a constitué une douche froide pour ses proches et ses soutiens.
Le gouvernement a notamment décrété une interdiction de quitter le territoire pour cette femme pourtant censée être libre, et même la possibilité d’un nouvel examen de son cas par la Cour suprême, ce qui semble toutefois peu plausible en pratique. Le gouvernement pakistanais semble surtout vouloir gagner du temps, étant pris en tenaille entre la pression internationale et celle des musulmans radicaux, dont les ramifications sont multiples au sein de la société pakistanaise.
Ces nouvelles contradictoires ont suscité une certaine incompréhension et de nombreuses réactions négatives, y compris au sein même du gouvernement pakistanais. Le correspondant de Vatican News et du Figaro Emmanuel Derville rapporte ainsi que Shireen Mazari, la ministre des droits de l'homme, a comparé l’accord passé entre le gouvernement pakistanais et les partis islamistes avec les accords de Munich de 1938 : «La politique de l'apaisement n'a jamais marché comme l'a montré l'accord négocié par Chamberlain avec les Nazis dans l'espoir d'éviter un bain de sang dans une Europe qui avait peur de la guerre. (...) Les autorités doivent faire respecter l'Etat de droit, la Constitution et soutenir les institutions, surtout quand elles sont menacées», a déclaré la ministre.
Le gouvernement semble toutefois vouloir éviter d'entrer dans une logique d'affrontement armé dans la rue avec les islamistes, comme cela était arrivé dans un passé récent. En 2007 par exemple, sous la présidence du général Musharraf, l'assaut de la "Mosquée rouge" à Islamabad avait fait une centaine de morts. Un foyer de radicalisation islamiste avait ainsi été neutralisé, mais cette opération militaire avait accentué la polarisation de la société pakistanaise et avait exposé les institutions pakistanaises à des représailles terroristes.
La prière des évêques de France
Dans un communiqué, les évêques de France réunis cette semaine en Assemblée plénière à Lourdes se sont réjouis de l’acquittement d’Asia Bibi prononcé par la Cour suprême du Pakistan et du soutien de différentes autorités publiques dans son pays et à l’étranger.
«Cependant, les évêques s’inquiètent de savoir Asia Bibi toujours emprisonnée et attendent sa libération. Au nom des droits fondamentaux de la personne humaine, les évêques appellent à la protection de sa vie, de celles de ses proches et de ses défenseurs, et les assurent de leur prière fervente», est-il précisé dans ce texte communiqué aujourd’hui en fin de matinée.
Soutiens politiques en Europe
Asia Bibi a également reçu de nombreux soutiens politiques, créant d’ailleurs un rare sujet de consensus dans un climat global de grande polarisation politique en Europe. En France, la maire de Paris Anne Hidalgo, la ministre des Droits des Femmes Marlène Schiappa ou encore le président des Républicains (opposition de droite) Laurent Wauquiez ont pris position en faveur de son accueil en France.
«Le mari et la famille d’Asia Bibi sont invités à une rencontre au Parlement européen», a pour sa part indiqué le président de cette assemblée parlementaire, l’Italien Antonio Tajani. «Je demande aux autorités du Pakistan de laisser les documents de voyage nécessaires : les règles européennes prévoient une protection pour qui est menacé à cause de sa propre foi.».
Le ministère italien des affaires étrangères a indiqué qu’il coordonnait ses efforts avec d'autres pays pour assurer la sécurité d'Asia Bibi et de sa famille. Lundi pourtant, sur le chemin de l’exil vers le Royaume-Uni, Saif ul-Malook, l’avocat d’Asia Bibi, avait vécu une escale humiliante à l’aéroport de Rome-Fiumicino où il a subi un interrogatoire sévère auprès des agents chargés de l’antiterrorisme. La pénible procédure a duré une demi-heure dans l’aéroport italien, alors qu’il devait s’envoler pour une autre escale aux Pays-Bas.
«Je ne mettrai plus les pieds en Italie, à Rome je me suis senti accueilli comme un terroriste, c’était humiliant pour quelqu’un qui a mis sa vie en danger pour combattre les fondamentalistes, a-t-il déclaré dans une interview au Corriere della Sera. Et ça fait encore plus mal d’avoir été traité ainsi dans le pays du Pape, après que j’ai été contraint de quitter ma maison au Pakistan pour défendre une femme catholique», a déclaré avec amertume Saif ul-Malook.
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