Soudan: le pouvoir d’Omar El-Béchir sous pression
Entretien réalisé par Manuella Affejee - Cité du Vatican
Les manifestations ont d’abord éclaté dans quelques villes du centre du pays, avant d’essaimé, jusqu’à atteindre la capitale Khartoum. La répression des forces de police a été immédiate, et tendrait même à s’intensifier. 19 personnes auraient été tuées selon les autorités, 37 selon Amnesty International qui réclame une enquête des Nations unies.
La hausse du prix du pain a été le catalyseur de la colère populaire, et pour cause: elle intervient dans un contexte de marasme économique. Amputé des ¾ de ses réserves pétrolières depuis l’indépendance du Soudan du sud en 2011, confronté à une inflation record et à une crise monétaire, le Soudan vit sous perfusion depuis des années. Cet effondrement économique graduel a été en outre accentué par le coût faramineux, -en vies humaines et en argent-, des guerres entreprises par le régime dans plusieurs régions du pays, notamment au Darfour.
Quid d’Omar El-Béchir ?
Un homme cristallise le mécontentement: Omar El-Béchir, au pouvoir depuis 30 ans et sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Il tient le pays d’une main de fer, entouré d’une coterie de personnes choisies, notoirement corrompues, et non dénuées d’ambitions personnelles dont il pourrait d’ailleurs faire les frais, à la faveur de cette contestation. Peu avant Noël, El-Béchir, 73 ans, a affirmé vouloir entreprendre de «vraies réformes pour garantir une vie digne à ses citoyens». Peu de chance toutefois de voir ces déclarations d’intention se concrétiser. Il semblerait donc que la colère ne soit pas prête de s’apaiser.
Le régime militaro-islamiste au pouvoir à Khartoum est coutumier des crises financières ou militaires. L’on se rappelle tout récemment les manifestations de janvier 2018, ou celles qui eurent lieu en septembre 2013. Elles n’ont pourtant jamais atteint l’ampleur de celles qui secouent actuellement le pays. Pour certains analystes et experts, cette crise représenterait bien la plus grande menace que le régime ait eu à affronter.
L’analyse de Marc Lavergne, géopolitologue, spécialiste du Moyen-Orient arabe et de la Corne de l’Afrique, directeur de recherche au CNRS.
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