Bangui : l’hôpital pédiatrique de l’espoir
Xavier Sartre – Bangui, République centrafricaine
Quand Domenico Giani en parle encore aujourd’hui, sa voix finit par se briser par l’émotion. Le commandant de la Gendarmerie vaticane, qui assure la sécurité du Pape au Vatican et lors de ses déplacements à l’étranger, reste marqué par sa visite de l’hôpital pédiatrique de Bangui. Venu dans la capitale centrafricaine pour faire un état des lieux avant l’arrivée programmée du Pape François le 29 novembre 2015, il fait un détour par cette structure sanitaire. C’est le nonce de l’époque, Mgr Coppola, qui l’incite à y aller.
«Des mamans assises par terre, avec des enfants au milieu d’une rigole d’eau et des rats qui passaient par là» se rappelle-t-il. Des tentes pour tout abris, avec des enfants mourant de faim, dans le dénouement le plus total. Dans la salle des soins intensifs, le militaire constate qu’il n’y a qu’une bouteille d’oxygène pour tous les petits malades, à qui le personnel soignant passe une canule nasale à tour de rôle. Des parents interpellent le commandant pour qu’il fasse quelque chose.
Le Pape, alerté, visite les lieux
Le commandant Giani en parle alors au Pape qui n’hésite pas à chambouler son programme et à se rendre sur place à son tour, une fois arrivé à Bangui. François aussi est bouleversé et déclare «laisser son cœur à Bangui». À son retour à Rome, il en parle derechef à Mariella Enoc, la présidente de l’hôpital pédiatrique de Rome, le Bambino Gesù, son hôpital.
Consigne est passée de s’engager en faveur de cet hôpital. Dès mars 2016, la présidente se rend sur place pour se rendre compte de la situation et des besoins énormes. Car le pays est en guerre. Et est un des plus pauvres, sinon le plus pauvre de la planète. Pour financer le projet, le Saint-Père donne trois millions d’euros. La Gendarmerie vaticane récolte 750 000 euros, et la paroisse italienne de San Martino de Novare donne, grâce à un héritage, un million d’euros supplémentaire.
Construction rapide
Ombretta Pasotti, une Italienne travaillant dans l’humanitaire en Centrafrique depuis plusieurs années, est chargée de piloter le projet de construction d’un nouveau département de re-nutrition thérapeutique pour les enfants mal-nourris. Il faut alors affronter mille problèmes, techniques, bureaucratiques et politiques. Deux architectes, une Italienne et un Centrafricain travaillent au plan. Une entreprise locale, après un appel d’offres réalisé selon les standards européens, est chargée des travaux.
Un bâtiment déjà existant, en ruine, est réhabilité. Un autre est construit sur le même modèle. Une structure ouverte avec des fourneaux traditionnels, des éviers et des lavabos, ainsi que des douches et des latrines sont construits pour accueillir les familles qui désirent rester avec leurs enfants hospitalisés. Tout est pensé pour éviter que les malades ne soient abandonnés et pour qu’ils reçoivent leurs soins dans les meilleures conditions. L’ancienne structure ne possédait que cinquante lits, la nouvelle en compte quatre-vingts, avec du mobilier et des instruments neufs. En deux ans, les travaux sont réalisés.
Le nouveau centre est confié, comme le précédent, à l’ONG Action contre la faim. Le reste de l’hôpital pédiatrique est géré par l’ONG italienne CUAMM, médecins avec l’Afrique, qui aide le personnel local dans sa tâche. Chaque année, 70 000 enfants viennent se faire soigner, soit 400 par jour. 250 viennent y faire une simple visite médicale, 150 y viennent pour y effectuer une opération chirurgicale.
Accompagnement sur le long terme
L’idée générale est d’amener les Centrafricains à gérer seuls, à terme, l’ensemble de la structure. Pour cela, il faut investir dans l’avenir. Mariella Enoc l’a bien compris. C’est pourquoi le Bambino Gesù met sur place une formation des médecins et des personnels soignants, avec des stages à Rome mais aussi des cours par téléenseignement, via internet.
«On va également aider à faire un peu de recherche médicale, modestement, mais on commencera à les aider depuis Rome. On leur donnera les machines nécessaires, ils pourront établir des diagnostiques anticipés sur la leptospirose et ces maladies qui sont très diffuses dans ce pays», explique Mariella Enoc, très impliquée dans ce projet.
Cette solution est saluée par le professeur Godi, le directeur centrafricain de l’hôpital pédiatrique. Il désespérait de voir son pays sombrer dans l’indifférence la plus totale envers les enfants malades. La malnutrition et la plupart des maladies qui lui sont liées sont facilement évitables estime-t-il. La visite du Pape fut pour lui un soulagement, celui de voir que quelqu’un enfin, se pencher sur le sort de ses petits patients. «Je suis l’homme le plus heureux de Centrafrique» affirme-t-il, reconnaissant envers François, le Bambino Gesù, et les humanitaires présents dans son établissement.
Le pays dispose enfin d’une structure sanitaire consacrée aux enfants digne de ce nom. Mais ce n’est que le début d’un long chemin, tant il reste à faire dans l’ensemble de la République centrafricaine.
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