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Photo aérienne de champs traversés par un train à grande vitesse dans la région d'Hanovre en Allemagne, le 30 avril 2019 Photo aérienne de champs traversés par un train à grande vitesse dans la région d'Hanovre en Allemagne, le 30 avril 2019 

Biodiversité: le spectre de campagnes sans musique

Au Vatican, l'Académie pontificale des Sciences réunit cette semaine des directeurs de musées d’histoire naturelle, de zoos et de jardins botaniques, "arches de Noé pour le 21ème siècle", afin de réfléchir à la protection active des espèces. Aujourd'hui, un million de plantes et d’animaux seraient menacés, notamment les oiseaux qui sont en train de disparaître. Les campagnes européennes pourraient devenir silencieuses dans quelques années. Mais le phénomène n’est pas inéluctable.

Entretien réalisé par Xavier Sartre - Cité du Vatican

Difficile d’imaginer un monde sans oiseaux. Pourtant, en Europe, leur nombre a baissé de 30 % en vingt ans dans les campagnes. Le phénomène est moins marqué pour les oiseaux marins et pour ceux vivant dans les villes. Quant à ceux des milieux forestiers et humides, ils ne semblent pas concernés par cette forte diminution.

Deux études menées en France, par le CNRS et par le Muséum nationale d’histoire naturelle arrivent aux mêmes conclusions. Et la tendance est vieille de plusieurs décennies. Le chant des oiseaux dans nos haies et nos jardins va-t-il disparaître ? Si ce n’est pas inéluctable, c’est cependant ce qui risque d’arriver si nous ne faisons rien.

L'agriculture, première responsable

Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS au sein d’un laboratoire situé dans l’Ouest de la France, a dirigé les recherches qui ont permis de mesurer l’ampleur de la disparition. Si les campagnes sont les plus touchées, c’est pour diverses raisons. Tout d’abord, l’intensification de l’agriculture ces dernières décennies, menant à l’uniformisation des habitats, avec des parcelles plus grandes, sans haies, sans arbres, et l’utilisation massive des pesticides pour tuer les insectes. Or ces derniers sont à la base du régime alimentaire des oiseaux.

À cela s’ajoute l’artificialisation des terres (au détriment de l’agriculture le plus souvent) et le mitage, avec la multiplication des lignes à grande vitesse, des autoroutes, des lignes à haute tension et les champs d’éoliennes. Autant d’éléments qui perturbent les espèces d’oiseaux les plus sensibles à la présence humaine.

Les oiseaux, régulateurs naturels

Pour le chercheur, les conséquences touchent paradoxalement l’agriculture, pourtant montrée du doigt. Les oiseaux participent à la régulation de la population des insectes, à celle de la flore spontanée en mangeant les graines, évitant la prolifération des mauvaises herbes notamment. Or, souligne Vincent Bretagnolle, les agriculteurs ne sont souvent pas conscients de cette aide que leur apportent les oiseaux.

Autre aspect et non des moindres, la dimension culturelle. Au-delà de la perte en terme de biodiversité, c’est tout un pan de notre patrimoine culturel qui s’éteindrait. Pas sûr que les Européens soient prêts à abandonner ainsi à leur sort les oiseaux. Ce pourrait même être le déclic pour prendre des mesures afin d’assurer leur survie.

Vincent Bretagnolle préconise pour cela d’entamer une transition agro-biologique, afin de mettre en place une agriculture tout aussi performante mais davantage respectueuse de l’environnement, en utilisant moins d’intrants comme les pesticides ou les herbicides. Ce qui amènerait à une transition agro-alimentaire. C’est pourquoi il est crucial de faire travailler ensemble les consommateurs, les agriculteurs, les pouvoirs publics afin de mettre en valeur des pratiques plus respectueuses de la nature.

Certaines initiatives pour sauver certains oiseaux menacés de disparition ont déjà été couronnées de succès. Ce qui rend optimiste le directeur de recherche du CNRS malgré une situation préoccupante.

Entretien avec Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS

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14 mai 2019, 08:30