Une nouvelle attaque contre l’Église catholique au Burkina Faso
Quatre catholiques ont été tués ce lundi 13 mai 2019 lors d'une procession religieuse en honneur de la Vierge Marie à Zimtenga, dans le nord du Burkina Faso, au lendemain de l'attaque d'une église, attribuée à des djihadistes, ayant fait six morts dont un prêtre.
Ces violences s'inscrivent dans une stratégie de tension où le Burkina, déstabilisé par le renversement du président Blaise Compaoré en 2014, est confronté à une multiplication des attaques de groupes islamistes qui ciblent de plus en plus fréquemment les églises, selon des experts.
Selon l'Agence nationale de presse burkinabè, les assaillants ont stoppé la procession. «Ils ont laissé partir les mineurs, exécuté quatre adultes et détruit la statue de la Vierge», a raconté un habitant cité par l'AIB.
«Hier (lundi) dans l'archidiocèse de Ouahigouya (grande ville du Nord), des individus ont attaqué des catholiques, faisant quatre victimes», a déclaré de son côté Mgr Paul Ouédraogo, président de la conférence épiscopale Burkina Faso-Niger lors de l'assemblée plénière de la conférence épiscopale d'Afrique de l'Ouest réunissant une centaine d'évêques de 16 pays à Ouagadougou.
«Une guerre déclarée contre Jésus-Christ»
Cette nouvelle attaque s’inscrit dans un contexte d’insécurité croissante pour les chrétiens du Burkina Faso. Dimanche, six personnes, dont le prêtre célébrant la messe, avaient été tuées lors d'une attaque, attribuée à des djihadistes par les autorités, contre une église catholique à Dablo, commune de la province du Sanmatenga, également dans le nord du Burkina Faso. Leurs obsèques ont été célébrées lundi, en présence de représentants du gouvernement, et de responsables musulmans et protestants. Selon des propos rapportés par La Croix, l’archevêque de Koupela, Mgr Séraphin Rouamba, a présidé la cérémonie en rappelant que «cela fait des années et des années que nous travaillons ensemble. Musulmans, protestants, catholiques, ceux de religions traditionnelles, nous avons toujours marché main dans la main. Par conséquent, il ne faut pas que des actes aussi tragiques puissent venir nous séparer.»
L’évêque de Kaya, Mgr Théophile Naré, a pour sa part expliqué à l’antenne italienne de l’Aide à l’Église en Détresse qu’il s’était rendu à Dablo après l’attaque pour tenter de réconforter les fidèles. Le message du Pape François après l’attentat a été une grande source de réconfort pour eux. «Je leur ai dit que nous ne sommes pas seuls et que le geste du Saint-Père représente toute l’Église universelle qui se serre autour de nous. Puis je les ai invités à avoir confiance et à ne pas se décourager, même s’ils veulent nous empêcher de prier, même s’ils veulent détruire notre Église. Nous devons continuer à prier parce que ce qui est en acte aujourd’hui au Burkina, ce n’est pas seulement une guerre contre nous les chrétiens, mais c’est une guerre déclarée contre Jésus-Christ», a expliqué Mgr Naré.
Des attaques de plus en plus nombreuses fragilisent le Burkina Faso
Fin avril dernier, six autres personnes dont un pasteur, avaient été tuées dans l'attaque d'une église protestante à Silgadji, toujours dans le nord. Il s'agissait de la première attaque djihadiste contre un lieu de culte chrétien au Burkina depuis 2015.
Dimanche, le gouvernement avait dans un communiqué «observé qu'après avoir échoué à opposer les communautés par des assassinats ciblés de chefs coutumiers et de leaders communautaires, les groupes terroristes s'attaquent maintenant à la religion dans le funeste dessein de nous diviser».
Le Burkina Faso est confronté depuis quatre ans à des attaques de plus en plus fréquentes et meurtrières, attribuées à des groupes jihadistes, dont Ansarul Islam, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) et l'organisation État islamique au grand Sahara (EIGS).
D'abord concentrées dans le Nord, ces attaques ont ensuite visé la capitale Ouagadougou et d'autres régions, notamment l'Est, et fait depuis 2015 près de 400 morts, selon un comptage de l'AFP.
Les attaques djihadistes ciblent régulièrement des responsables religieux, chrétiens et musulmans, principalement dans le Nord du pays où les chrétiens représentent environ 35% de la population, les musulmans quelque 65%.
À la mi-mars, l'abbé Joël Yougbaré, curé de Djibo (Nord) a été enlevé par des individus armés. Le 15 février, le père César Fernandez, missionnaire salésien d'origine espagnole, a été tué dans le Centre-Est.
La déstabilisation du Niger voisin
Le Niger, qui avait lui aussi longtemps fait office de relatif îlot de stabilité dans les vastes étendues du Sahel, difficiles à administrer et à sécuriser, fait également face à une série d’attaques de plus en plus nombreuses.
Un prêtre nigérien a été blessé lundi soir par balle dans l'attaque d'une église catholique dans le village de Dolbel, dans la région de Tillabéri, zone de l'ouest proche du Burkina Faso et du Mali en proie à des attaques jihadistes récurrentes, indiqué mardi la mission catholique du Niger.
«Deux individus armés, à moto, se sont rendus chez la femme du gardien de l'église (de Dolbel) pour lui demander “où sont les prêtres ?”. Elle a répondu “ils ne sont pas là”, alors les assaillants se sont énervés et ont commencé à tirer des coups de feu. Les prêtres sont sortis et l'un a reçu deux balles au pied et à la main», a déclaré à l'AFP Thomas Codjovi, chargé de la communication de la mission catholique du Niger, citant des sources locales.
Le prêtre blessé «va mieux» et «il est actuellement sous la protection d'un détachement militaire basé à Wanazarbé», une localité proche, «en attendant son évacuation sur Niamey», a assuré Thomas Codjovi. Les assaillants, dont le nombre exact n'est pas déterminé, sont ensuite repartis avec «un véhicule de la mission». L'un des deux prêtres en poste à Dolbel a déjà été acheminé dans la capitale pour plus de sécurité, a-t-il ajouté.
L'église de Dolbel est située dans le département de Téra, à quelques km du Burkina Faso et à une trentaine de km du Mali. C'est la première attaque directe d'une église au Niger par des hommes armés mais en mars 2016, à la veille du scrutin présidentiel, Dolbel avait déjà été attaqué par des éléments lourdement armés venus en motos et à bord d'un 4X4, qui ont tué trois gendarmes. Le ministère nigérien de l'Intérieur avait attribuée l'assaut à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
L'armée nigérienne s'est déployée massivement fin 2018 pour chasser des groupes djihadistes venus du Mali et du Burkina Faso qui tentaient d'étendre leur influence dans l'ouest du Niger, placé sous état d'urgence.
(AFP et La Croix)
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