Les Guatémaltèques s’apprêtent à voter sur fond de corruption
Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Ce 16 juin, les Guatémaltèques voteront avec l’espoir, jusqu’ici déçu, de trouver la solution aux maux du pays: la corruption, la pauvreté, la violence, et l’exode de milliers d’habitants en quête du “rêve américain”.
Une démocratie fragilisée par la corruption
Dix-neuf candidats sont en lice pour succéder au président Jimmy Morales, qui achève son mandat de quatre ans. En 2015, il avait été élu sur la promesse de mettre un terme aux scandales de corruption qui avaient mis un terme prématuré au mandat de son prédécesseur, Otto Perez. Jimmy Morales avait alors promis de reconduire jusqu’en 2021 la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Cicig). Mais il s’est ravisé, ciblé lui-même par les enquêtes de cette mission anti-corruption onusienne unique au monde. Seuls quelques candidats à l’élection 2019 se sont déclarés favorables au maintien de la mission de l’ONU. Par ailleurs, d’après les sondages, aucun des candidats en lice ne devrait passer dimanche la barre des 50% des voix. Les deux candidats arrivés en tête s’affronteront lors d’un second tour le 11 août.
Pour Bernard Duterme, chercheur au CETRI, le Centre Tricontinental, la campagne électorale a été marquée par une «judiciarisation de la vie politique», notamment en raison de l’évincement de certains candidats, comme Thelma Aldana. Menacée de mort, l’ancienne juge anti-corruption et ex-procureure générale s’est d’abord réfugiée au Salvador voisin, avant de fuir aux États-Unis. D’une manière générale, souligne le chercheur belge, «il n’y a pas de place pour l’émergence d’une expression politique autonome, fédératrice des aspirations populaires». Le pays est «politiquement fermé et socialement très inégalitaire», explique-t-il.
Des conditions sociales et environnementales dégradées
Dans ce contexte de corruption endémique, 59% des 17,7 millions de Guatémaltèques vivent en effet dans la pauvreté, en particulier la population indigène, représentant près de la moitié des habitants. Victimes d’importantes discriminations sociales, les indigènes sont près de 80% à souffrir de pauvreté ou d’extrême pauvreté, selon Bernard Duterme.
Pourtant, les résultats économiques du pays sont bons: le PIB a progressé de 3,1% en 2018. Mais ce n’est qu’une façade. Le chercheur fait remarquer que le modèle de développement du Guatemala est «basé sur l’exportation de matières premières et sur l’importation de produits à valeurs ajoutée». Autrement dit, une économie néo-libérale aux conséquences néfastes: les inégalités se creusent, la pauvreté persiste – un enfant sur deux ne mange pas à sa faim-, l’environnement naturel dégradé – par le déboisement, par exemple.
Autre signe de cette santé économique précaire: l’émigration, l’un des principaux moteurs économiques du Guatemala. Le pays bénéficie des envois d’argent de ses quelque 1,5 million d’émigrés aux Etats-Unis, atteignant l’année dernière le chiffre record de 9,3 milliards de dollars. Fuyant la pauvreté et la violence des gangs criminels, des milliers de Guatémaltèques se lancent chaque année, via le Mexique, sur les routes vers le grand voisin du Nord, où ils obtiennent avec difficulté un statut légal.
Un flux qui ne semble pas près de se tarir si le prochain président ne prend pas à bras le corps les principaux fléaux de la vie politique et sociale guatémaltèque, avec un réel souci du bien commun.
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