Les personnes souffrant de malnutrition plus nombreuses chaque année
Marine Henriot / Delphine Allaire - Cité du Vatican
«C’est une mauvaise tendance», a résumé lundi 15 juillet lors d’une conférence de presse le patron du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley. La faim dans le monde augmente, et ce, pour la troisième année de suite : 821,6 millions de personnes ont souffert de la faim en 2018, contre 811 millions en 2017.
Des chiffres accompagnés d’un avertissement: «Sans sécurité alimentaire, nous n'aurons jamais de paix et de stabilité!». Partout où des groupes extrémistes ont de l'influence, la faim est utilisée par eux comme une arme pour diviser ou recruter, a précisé le responsable onusien, en évoquant le Sahel. Plus de 2 milliards de personnes ont des difficultés à accéder à une alimentation saine et équilibrée. Une situation qui ne concerne pas que les pays à faible ou moyens revenus : 8 % des personnes souffrant de la faim vivent en Europe et Amérique du Nord.
De quoi parle-t-on ?
Pour fournir ces chiffres, l’ONU comptabilise les populations souffrant de famine et celles touchées par l’insécurité alimentaire.
La famine est caractérisée par un manque presque total de ressources alimentaires dans un pays ou une région, aboutissant à la mort ou à la souffrance de la population. La sous-alimentation désigne elle une insuffisance quantitative de l’apport alimentaire pendant une période donnée, qui provoque des troubles organiques ou fonctionnels. Elle est aussi appelée insécurité alimentaire, c’est-à-dire que la population n’a pas accès à des aliments sains, nutritifs et en quantité suffisante.
L’obésité aussi concernée
La sous-alimentation est considérée comme de la malnutrition - un état nutritionnel qui s’écarte de la normale - tout comme la suralimentation. Dans ce rapport annuel, la FAO explique qu’aucune région dans le monde n’est épargnée par le surpoids et l’obésité, en augmentation partout sur la surface du globe. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 39 % des adultes étaient en surpoids en 2016 et 13 % étaient obèses.
L’obésité n’est pas le contraire de la faim, au contraire, elles sont même liées. Simplement parce que la nourriture fraîche et saine est plus difficile à se procurer et coûte souvent plus cher, tandis que les aliments riches en sucre et en graisse, préparés, prêts à manger sont plus disponibles et moins chers. Par ailleurs, détaille la FAO, le fait de vivre dans le stress d’un accès à la nourriture non garanti, engendre des changements physiologiques qui augmentent le risque de surpoids et d’obésité. Un enfant mal nourri a plus de risque de devenir un adulte en surpoids.
Un poids économique
L’obésité coûte plus de deux trilliards de dollars par an dans le monde en perte de productivité et en soins de santé, indique la FAO. La sous-nutrition, elle, réduirait le PIB de 11 % en Afrique et en Asie.
«Notre système d'alimentation est cassé» alerte l'agence onusienne, et à moins de prendre des actions très vite, l’humanité court le risque de voir la faim, l’obésité, et les problèmes de santé liés à la malnutrition continuer à augmenter.
Les femmes les plus touchées
Dans un autre rapport publié simultanément, l’ONG Oxfam indique que femmes et hommes ne sont pas égaux quant à l’insécurité alimentaire. Les femmes paient un plus lourd tribut, «elles constituent jusqu'à la moitié des producteurs alimentaires dans les pays en développement, mais mangent généralement moins, en dernier, et moins bien lorsque les ménages sont à court de nourriture», note ce rapport.
La faim s’éloigne sur le temps long
Ces chiffres sont alarmants, et l’ONU estime que les progrès sont insuffisants pour réaliser l’objectif de 2030 de réduire de moitié le nombre d’enfants souffrant d’un retard de croissance. Sur le temps long, il faut tout de même noter le succès impressionnant de l’ONU et ses agences dans la lutte contre la faim dans le monde. Depuis 1991, le nombre de personnes malnutries à diminué d’un tiers. En Afrique subsaharienne, ce chiffre a presque été divisé par deux.
Le Pape François à la FAO
Le 14 février 2019, le Saint-Père, au siège de la FAO dans la capitale italienne, avait appelé la communauté internationale à assumer ses responsabilités quant à la faim dans le monde. «Les responsabilités ne doivent pas être éludées, passant de l’un à l’autre, mais doivent être assumées pour offrir des solutions concrètes et réelles», avait-il martelé, avant de faire la promotion du développement local, «Le développement local a de la valeur en lui-même et pas seulement en fonction d’autres objectifs», avait insisté François, pour qui «il s’agit de faire en sorte que chaque personne, chaque communauté puisse pleinement déployer ses propres capacités, vivant ainsi une existence digne de ce nom».
Pour plus d’informations, l’éclairage de Valentin Brochard, chargé de la Souveraineté alimentaire au CCFD-Terre solidaire :
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