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Sept jours de manifestations devant la résidence du gouverneur Ricardo Rossello à San Juan Sept jours de manifestations devant la résidence du gouverneur Ricardo Rossello à San Juan 

Porto Rico: la position du gouverneur «compromise» selon l'Église

Dans les Caraïbes, les évêques de Porto Rico invitent les fidèles à «intensifier leurs prières» pour les dirigeants et le futur de leur île. Dans cet État associé mais non incorporé aux États-Unis depuis 1952, la colère gronde contre le gouverneur, Ricardo Rossello. Ils étaient encore des centaines vendredi à avoir assiégé sa résidence officielle.

Marie Duhamel – Cité du Vatican

«Ricky renuncia !» Toute cette semaine, des stars de la musique, des syndicalistes, ou simples citoyens portoricains ont demandé la démission du gouverneur. Ils sont venus, avec des tambours, à pied, à moto ou à cheval, jusqu’à «la Fortaleza» la résidence officielle de Ricardo Rossello dans le centre de San Juan, la capitale.

Le télégénique ingénieur en biomécanique âgé de 40 ans, marié et père de deux enfants, s’est lancé en politique sur les traces de son père en 2015 devenant, après lui, gouverneur du territoire. Son père, Pedro Rossello, lança de grand projets d’infrastructures entre 1993 et 2001, qui plombèrent les finances de l’île.

Mauvaise gestion et des insultes révélées

Depuis son arrivée au pouvoir il y a 2 ans et demi, son fils gère un état en faillite, sous perfusion américaine. Mais aujourd’hui, Ricardo Rossello ne paie pas les erreurs de son père. Il paie d’abord un mécontentement rampant après sa mauvaise gestion de l’ouragan Maria qui a détruit, en 2017, les systèmes électriques et de communications de l’île. Officiellement, 3 000 personnes auraient alors perdu la vie, mais le gouverneur aurait volontairement sous-évalué le nombre de morts. Des cadavres qui firent l’objet de commentaires irrévérencieux lors de conversations tenues avec neuf de ses collaborateurs, tous masculins, dans un groupe privé créé sur le réseau Telegram. 

Le 11 juillet dernier, le Centre de journalisme d’investigation a diffusé 899 pages de conversations; le journal El Nuova Dia en a publié des extraits samedi dernier.

Riccardo Rossello et ses collaborateurs y tiennent des propos misogynes, partagent des commentaires homophobes et se moquent d’obèses et de personnes handicapées. Des propos «inappropriés» mais «pas illégaux», s’est défendu le gouverneur. Dimanche dernier, celui-ci a néanmoins demandé pardon sur le parvis d’une église de San Juan et promis hier, après que des centaines de milliers de Portoricains soient descendus dans la rue, une réunion d’urgence dont la date n’a pas encore été fixée.

Trois démissions

Pour le moment, Ricardo Rossello refuse de démissionner, ce qu’on fait deux membres du gouvernement ainsi que, la nuit dernière, la responsable communication du gouverneur. Dennise Pérez ne supportait plus les insultes de la foule à son encontre; elle se plaint notamment d’avoir été traitée de corrompue devant son fils.

Il faut dire que jeudi dernier, le Centre de journalisme d’investigation a révélé un nouveau scandale. Trois proches du gouverneur auraient empoché des millions de dollars grâce à des trafics d’influence, en lien avec le traitement des dons offerts après le passage de l’ouragan Maria ou avec des contrats de reconstruction. Cette semaine, le FBI a arrêté deux collaborateurs de Ricardo Rossello dans le cadre d’une enquête pour des faits de corruption fédérale sur le territoire. 

L’Église se retire du Dialogue national

Pour l’Église, la position du gouverneur est désormais «compromise», rapporte l’agence SIR. «Deux principes de gouvernement démocratique ont été irrémédiablement lacérés». Dans une note, la commission permanente de la conférence épiscopale dénonce le manque de respect dû à chaque personne humaine et l’utilisation désinvolte des réseaux sociaux alors que sa position de gouverneur doit constituer un espace de gouvernement «sacré» devant un peuple qui l'a élu démocratiquement.

L’Église a ainsi décidé de se retirer de la table du Dialogue national entre le gouvernement et la société civile. Elle ne veut plus s’en porter garante, mais «puisqu’il a commencé», les évêques comptent sur le fait que «le processus se renforce et amène à des accords». Deux évêques continueront à prendre part à des discussions: Mgr Javier Roman Arias, évêque de Limon, dans le secteur des transports et Mgr Oscar Fernandez Giullen, évêque de Puntarenas, dans le secteur de la pêche.

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20 juillet 2019, 10:58