Belgique: inquiétudes face à un projet de libéralisation de l’IVG
L’évolution législative en cours, qui pourrait être votée rapidement par le Parlement belge dont les prérogatives sont accentuées par l’absence de gouvernement, pourrait aboutir à trois dispositions: tout d’abord, l’augmentation du délai d’avortement de 3 mois à 4,5 mois; ensuite, la diminution du délai de réflexion de 6 jours à 48 heures; et enfin, la classification de l’IVG comme un acte médical classique, alors que le cadre juridique d’encadrement des IVG, jusqu’à récemment, en venait à le considérer comme un acte comme un dernier recours.
Dans une tribune publiée cette semaine par La Libre Belgique, 750 soignants (médecins, sages-femmes, infirmiers et psychologues), qui accompagnent quotidiennement des femmes dans leur maternité, ont tiré la sonnette d’alarme face à cette banalisation de l’IVG. Ils s’inquiètent notamment de l’élargissement du délai à 4,5 mois: «À ce stade avancé de développement, nous sommes à quelques semaines du seuil de viabilité du bébé: il mesure 20 centimètres, il est sensible au toucher et aux sons, avertissent-ils. Nous sommes des professionnels de la santé et nous avons choisi ce métier pour soigner et aider ceux qui ont besoin de notre soutien. À 18 semaines, nous nous trouvons face à un être humain déjà formé, et nous devons à la fois respecter la vie encore invisible à l’œil nu mais qui n’échappe pas à nos instruments médicaux, et témoigner d’un profond respect pour chaque femme et sa situation, souvent complexe».
Éduquer à une sexualité responsable
Sans s’identifier à une pratique religieuse ou à un courant de pensée, ces professionnels de santé affirment une position proche de l’enseignement de l’Église sur le corps: «À l’heure où médecins, infirmières et éducateurs s’efforcent d’éduquer les jeunes en les encourageant à vivre une sexualité responsable - pour eux-mêmes et pour les autres - l’allongement du délai légal à 18 semaines envoie un signal contre-productif de déresponsabilisation et de banalisation».
Ils s’appuient sur leur expérience pour mettre en avant les difficultés très concrètes et personnelles que posera cette évolution de la loi : «La femme qui se découvre enceinte vit souvent une période émotionnellement intense, davantage encore lorsque c’est inattendu. Désir ou peur d’être mère, crainte de la réaction du compagnon, des parents, des proches, angoisses causées par les difficultés matérielles, besoin de sécurité, etc. Réduire le délai de réflexion minimum à 48 heures, sans obligation d’informer sur les alternatives à l’avortement ni sur les aides possibles (comme l’aménagement des études, l’hébergement, le soutien matériel et humain ou encore l’adoption), c’est faire fi d’une nécessaire maturation de la réflexion.»
«En effet, face à un tel choc émotionnel, il est normal qu’une femme dans une situation difficile ne se sente pas directement capable de s’occuper d’un enfant alors qu’elle vient de découvrir sa grossesse, ce qui ne présage en rien de sa capacité à être mère», soulignent-ils.
Donner une chance à la vie, même non programmée
«Le processus d’attachement à l’enfant ne se fait que progressivement, et il lui faut parfois un temps de réflexion pour réaliser qu’en fait, il n’est pas nécessaire pour un enfant d’être issu d’une grossesse programmée pour qu’il soit heureux, du moment qu’il est accueilli, remarquent les 750 signataires. Un dialogue qui prend son temps avec des personnes compétentes et des propositions d’aide concrète est essentiel pour que l’avortement ne devienne pas une fatalité, aux yeux de la femme enceinte comme de ceux qui l’entourent. »
Les signataires s’attristent du consensus politique autour de la libéralisation de l’IVG, alors que la confrontation directe à ces situations douloureuses devraient mener à d’autres conclusions. «90% des Françaises, par exemple, estiment qu’il laisse des traces psychologiques difficiles à vivre, affirment ces professionnels de santé en citant un sondage IFOP paru en France en 2016. Dès lors, pourquoi un tel décalage entre le ressenti de tant de femmes et la volonté de certains parlementaires ? Puisque l’impact psychologique négatif de l’avortement est reconnu, la prévention de l’avortement ne devrait-elle pas devenir un objectif prioritaire de santé publique autour duquel tous les partis se retrouvent ?», s’interrogent-ils. Ils demandent donc aux parlementaires de renoncer à ce projet.
L’avertissement de l’épiscopat
Dans un climat de relative passivité et indifférence de l’opinion publique belge par rapport aux questions de bioéthique, cet appel des 750 soignants rompt l’isolement de l’Église catholique dans son discours de promotion de la vie.
« La Belgique a ouvert tellement de portes dans le domaine éthique, regrettait récemment dans La Croix le père Tommy Scholtes, porte-parole de la Conférence des évêques de Belgique. La société n’ose plus aborder la question de fond». «Il est incompréhensible qu’une question d’une telle importance et si délicate soit traitée aussi vite et sans débat de fond préalable», ont rappelé les évêques dans une déclaration solennelle.
«La loi peut bien sûr, envisager l’avortement comme un simple acte médical. Mais il ne sera pas vécu ainsi. On peut en sortir bouleversé et désespéré. En suggérant qu’il s’agit d’une intervention ordinaire, la loi ne tient nullement compte du ressenti et du vécu de ces personnes. Pourquoi encore solliciter conseil ou aide? Dès le départ, on risque de prendre les questions à la légère. Désarroi et solitude n’en seront que plus exacerbés», avertissent-ils.
«L’état de droit garantit la protection de la dignité humaine et de l’intégrité physique de chacun. N’en est-il pas de même pour une vie humaine à naître? Pourquoi faire comme si ce n’était pas encore la vie? Où est la limite? Pourquoi justement là? Pourquoi ces questions sont-elles si rarement, voire jamais abordées dans le débat?», s’interrogent-ils, en faisant remarquer que ceux qui refusent l’avortement, même pour des raisons intimes, pourront désormais être culpabilisés dans leur choix et contraints à le justifier, ce qui est en soit une violation de la liberté de conscience.
«Ce problème concerne toute la société et chacun de nous», soulignent enfin les évêques de Belgique.
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