Montée des tensions entre l'Iran et les États-Unis après la mort du général Soleimani
Adélaïde Patrignani / Marie Duhamel– Cité du Vatican
L’opération s’est passé aux premières heures du jour: une frappe aérienne américaine a visé le convoi du général Qassem Soleimani à l’aéroport de Bagdad, la capitale irakienne. Le dirigeant d’Al Qods, l’unité d’élite des Gardiens de la révolution iraniens, a donc été tué, ainsi que le numéro deux de la milice irakienne du Hachd al Chaabi, une coalition de paramilitaires majoritairement pro-Iran, intégrés aux forces armées de l'État irakien. En tout, 9 personnes sont mortes. Le bombardement a eu lieu sur ordre du président américain, mais le Congrès américain lui, n’aurait pas été consulté ni prévenu, selon un élu démocrate.
Cette opération divise fortement au sein de la classe politique américaine. D’un côté, on trouve les démocrates, qui redoutent l’escalade avec l’Iran. «Le président Trump vient de jeter un bâton de dynamite dans une poudrière» a dénoncé l’ancien vice-président et actuel candidat à la primaire démocrate Joe Biden. Cela «nous amène plus près d'une autre guerre désastreuse au Moyen-Orient» a déclaré Bernie Sanders, autre candidat à la primaire démocrate. Côté républicain en revanche, on serre les rangs derrière la stratégie de Donald Trump. Un sénateur a par exemple salué une «action courageuse».
Appel à la vengeance
Pendant ce temps, en Iran, tout laisse à penser que cet assassinat ne sera pas impuni. Le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a appelé aujourd’hui à une «vengeance implacable» contre les «criminels», et il a décrété un deuil national de trois jours suite à ce qu’il appelle le «martyre» de ce haut commandant des Gardiens de la révolution. Le ministre iranien des Affaires étrangères voit quant à lui une «escalade extrêmement dangereuse et imprudente» de la part des États-Unis. Enfin le conseil de sécurité nationale iranien s’est réuni en urgence ce vendredi.
Il faut dire que le général Soleimani, 62 ans, était une figure clé de la République Islamique et de son influence au Moyen-Orient. Comme chef de la Force Al Qods, qu’il dirigeait déjà quand les États-Unis ont envahi l’Afghanistan en 2001, il était responsable des opérations extérieures de l’Iran. Le général Soleimani a ainsi renforcé le poids diplomatique de Téhéran, notamment en Irak et en Syrie. Il avait par exemple un rôle important depuis 2018 dans les tractations en vue de former un gouvernement en Irak. Certains le voyaient aussi comme un personnage central des relations de Téhéran avec le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien. Enfin, le militaire bénéficiait d’une grande popularité en Iran. Selon une étude, 83% des Iraniens en avaient une opinion favorable en 2018, plus que le président Hassan Rohani et le chef de la diplomatie.
Reste donc à savoir quelle forme prendra la riposte iranienne.
En Irak, le gouvernement n’a pas encore réagi, mais le puissant leader chiite Moqtada Sadr a annoncé réactiver sa milice anti-Américains. Quant au Hachd al Chaabi, un chef de la milice pro-iranienne appelle «tous les combattants» à se «tenir prêts».
Manifestation massive en Iran
Dès l’annonce de cette nouvelle ce vendredi 3 janvier, la foule s’est réunie dans les rues du pays. Dans la capitale Téhéran mais aussi dans plusieurs villes iraniennes dont Kerman, la ville natale du général Soleimani. Des rassemblements en mémoire du général et contre les Etats-Unis. Les Iraniens ont défilé en brandissant des portraits du chef de la force al-Qods et du grand ayatollah Ali Khamenei, «À mort l’Amérique» scandait la foule, de nombreux drapeaux américains ont été brûlés.
Qui était le général Souleimani et quelle peut être la riposte de l'Iran ? La réponse de David Rigoulet-Roze, chercheur rattaché à l’Institut Français d’Analyse Stratégique, associé à l’IRIS et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques.
(Avec AFP)
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