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Dans une rue de Kaboul, le 29 février 2020 Dans une rue de Kaboul, le 29 février 2020 

Accord USA-Afghanistan: la porte ouverte à une «nouvelle phase de la guerre civile»

Un accord historique a été signé le 29 février dernier à Doha, au Qatar entre les talibans et les États-Unis. L'armée américaine a promis de se retirer du pays, où elle s’est engagée il y a plus de 18 ans, au lendemain des attentats du 11 septembre. En échange, les talibans devront bannir tout acte de terrorisme depuis les territoires qu'ils contrôlent, et entamer de véritables négociations de paix avec le gouvernement de Kaboul. Mais de premiers signes de discorde apparaissent entre les deux parties. Analyse de la portée réelle de cet accord avec Gilles Dorronsoro, professeur de sciences politiques à l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne.

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

En Afghanistan, miné par quatre décennies de guerres successives, et où les États-Unis semblent s’embourber depuis fin 2001, la paix reste loin d’être actée, malgré la signature d’un accord qui devrait permettre de tourner définitivement la page de l’occupation américaine.

Le renforcement de la légitimité des talibans

Ce «n’est pas un accord de paix», insiste Gilles Dorronsoro, professeur de sciences politiques à l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, mais bien un «accord de désengagement américain», qui répond à un objectif politique de Washington à quelques mois des élections présidentielles. L’accord prévoit le retrait «graduel et immédiat» des troupes américaines: après une réduction initiale, qui verrait le nombre de soldats descendre à 8 600 sous 135 jours après la signature de l'accord, les États-Unis et leurs alliés «achèveront le retrait des forces restantes en Afghanistan sous quatorze mois».

Mais le texte marque aussi une «victoire politique majeure pour les talibans», qui renforce leur légitimité sur le plan national et international. «Sur tous les points-clés, les talibans ont effectivement gagné dans ces négociations»,explique Gilles Dorronsoro. Le fragile gouvernement afghan a quant à lui été tenu à l’écart tout au long des pourparlers entre Washington et les insurgés. Mais il ne renonce pas pour autant à se faire entendre, quitte à sérieusement compromettre les négociations prévues avec ses adversaires à partir du 10 mars prochain. Le président Ashraf Ghani s'est ainsi opposé dimanche à un point majeur de l’accord, la libération de 5000 prisonniers en échange de celle de 1000 membres des forces afghanes détenus par les rebelles. Le lendemain, les talibans ont annoncé mettre un terme à une trêve partielle commencée le 22 février, et reprendre leur offensive contre les forces de sécurité afghanes. «La reprise des combats entre le gouvernement afghan et les talibans est une conséquence de l’absence de règles du jeu fixées lors des négociations entre Américains et talibans», analyse Gilles Dorronsoro.

Un départ salué mais des perspectives confuses

L’accord pourrait donc entraîner un peu plus le pays vers le chaos à l’heure où se pose un «véritable problème de légitimité du gouvernement afghan», la réélection d’Ashraf Ghani à la tête du pays, annoncée officiellement le 18 février dernier, étant contestée par son rival Abdullah Abdullah.

Les talibans, bien structurés dans leurs rangs, «vont pouvoir jouer de ces divisions très profondes au sein du camp gouvernemental», ce qui favorisera «leur avancée politique voire militaire», prévoit le professeur de sciences politiques.

«Il est probable qu’on s’achemine vers une nouvelle phase de la guerre civile», poursuit-il, marquée par «l’absence d’autorité légitime, y compris sur le plan international», et par «l’implication plus directe des forces régionales» - Iran, Pakistan, pays du Golfe – qui pourraient faire de l’Afghanistan un nouveau terrain d’affrontement. Gilles Dorronsoro y voit des similarités avec la situation de l’Afghanistan lors de la guerre civile des années 1990, même si les combats seront sans doute «moins chaotiques, avec de vraies lignes de front».

La population civile est quant à elle divisée. Pour beaucoup, cet accord vient alimenter «un très fort rejet du chaos institutionnel» et suscite «la satisfaction de voir partir les troupes américaines», très impopulaires. Une minorité y voit une possibilité de construire un califat, comme celui mis en place par Al-Baghdadi en Irak. Autrement dit, des attentes différentes qui ne vont «pas aider à construire un projet de paix».

Entretien avec Gilles Dorronsoro

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03 mars 2020, 10:20