Mali, des élections législatives malgré tout
Entretien réalisé par Marie Duhamel - Cité du Vatican
Les Maliens sont appelés aux urnes pour élire leurs députés. Ces élections législatives en deux tours, ce dimanche 29 mars et le 19 avril prochain, devraient permettre le renouvellement de 147 sièges.
Le mandat des parlementaires sortant issus des élections de 2013 et majoritairement acquis au parti du président Ibrahim Boubacar Keita aurait dû s’achever fin 2018. Il aura été prolongé de 3 ans. A plusieurs reprises, le scrutin a été reporté en raison d’une grève des magistrats, de querelles politiques et de la dégradation des conditions de sécurité.
Les facteurs d’insécurité sont nombreux : les attaques djihadistes, les violences communautaires, la criminalité organisée et les trafics de drogues.
Enlèvement du chef de l’opposition
Jeudi dernier, le chef de l’opposition, Soumaïla Cissé, a été enlevé par des hommes armés alors qu’il faisait campagne dans son fief de Niafounké, dans la région troublée de Tombouctou.
«Sans revendication des groupes salafistes et djihadistes, cela peut aussi relever de la criminalité organisée» estime André Bourgeot. Le directeur de recherche émérite au CNRS au laboratoire d’anthropologie sociale juge aussi possible une thèse relevant plutôt des choix politiques de Soulaïma Cissé. Le chef de l’UDR a scellé une alliance avec le parti au pouvoir pour ces élections, ce qui a pu faire des mécontents.
Une opération de communication
Plus généralement, poursuit-il, l’insécurité et l’apparition du Covid-19, posent le problème de «la pertinence de la tenue des élections sur l’ensemble du territoire malien». Le maintien lui semble d’autant plus «irresponsable» que des déplacés ne pourront pas voter et que les attaques armées des djihadistes «visent à condamner l’État et conteste le bien-fondé de la Constitution de la République et la démocratie», explique André Bourgeot.
En maintenant le scrutin dans ce contexte, l’Etat affirme son autorité, «une opération de communication politique» pour «marquer un retour à l’ordre». Or, constate le spécialiste du Mali, ce n’est pas le cas. L’armée est revenue à Kidal le 13 février dernier, mais elle y est cantonnée.
Le défi impossible du Covid-19
«L’Etat ne manifeste pas sa fonction régalienne sur l’ensemble du territoire» résume le chercheur, et pour cette raison notamment l’apparition du Covid-19 est une mauvaise nouvelle. Le pays a enregistré ses premiers cas de contamination cette semaine, deux Maliens rentrant de France.
Les autorités ont décrété un couvre-feu nocturne, mais comment l’appliquer dans ce pays marqué par une culture collective très forte où les gens sortent beaucoup, se demande l’anthropologue, et combien de foyers disposent d’eau courante, même à Bamako.
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