Une expérience de fraternité dans la résidence pour personnes âgées du Quinsan
Entretiens réalisés par Marie Duhamel – Cité du Vatican
Interdites depuis le 11 mars, les visites ont repris sous certaines conditions dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées en France. Ces dernières semaines, des milliers de personnes âgées y sont décédées après avoir contracté le nouveau coronavirus, sans que leurs proches n’aient pu les embrasser une dernière fois. C’est l’un des drames de la crise sanitaire liée au Covid-19.
Depuis de nombreuses années, le personnel de ces établissements alertait sur leur manque de moyens. En ont-ils eu davantage lors de l’arrivée du virus, lorsqu’il a été décidé d’interdire les visites pour freiner la propagation de l’épidémie ? Celle-ci a fait des ravages dans des dizaines de maisons de retraite. La communication entre ces établissements et les proches des résidents fut parfois parcellaire, voire brutale ou inexistante ce qui a poussé des familles à porter plainte.
«Au 17 avril, le parquet de Paris avait enregistré vingt-six plaintes pour mauvaise gestion de la crise sanitaire, sans être en mesure de distinguer celles qui concernent un hôpital, un Ehpad, ou une autre structure, ni celles déposées par des familles ou par des personnels », écrivait le journal Le Monde le 23 avril 2020.
Au Quinsan, des salariés choisissent de rester auprès des pensionnaires
Mais ce sombre tableau est traversé de quelques percées de lumière. Des maisons de retraite où le virus n’est pas entré, où la sérénité prévaut, où même une nouvelle expérience de partage et de joie a émergé. C’est le cas dans les résidences du Quinsan, une maison chrétienne de retraite à 30 kilomètres d’Avignon.
Sur les hauteurs du village provençal de Venasque, dans le sud-est de la France, entourée de cyprès de pins et de fleurs, la maison du Quinsan accueillent 110 personnes âgées, plus ou moins autonomes. Elles vivent dans des studios indépendants les uns des autres dans un strict confinement, très rassurant pour les résidents.
«Vraiment, cela a été très bien organisé, même anticipé par une période de demi confinement. On portait des masques, nous n’avions pas le droit de sortir à l’extérieur. Et après, nous sommes passés en confinement total à partir du 31 je crois. Donc nous sommes très protégés dans la sécurité, la sérénité, la confiance. Bref, tout est calme» explique Madeleine Quatrefages pensionnaire du Quinsan depuis plus de deux ans.
Ces dispositions ont été mises en place par Catherine Ricard de l’Institut Notre Dame de Vie et directrice du Quinsan depuis 7 ans. Celle-ci a également décidé de se confiner pour protéger ses pensionnaires et mieux les accompagner. Cinq des 30 salariés ont également fait ce choix:
«Et ce qui est touchant, c’est que ce sont des mères et des épouses qui ont fait se choix après en avoir discuté en famille. Elles se sont confinées pour se protéger en évitant les allers-retours, pour protéger leur famille mais aussi les résidents. Sur leur temps libre, quand elles sont de repos, elles vont coiffer les résidents, sortent faire de petits tours avec eux. Elles sont vraiment au service et je trouve cela magnifique», relate Catherine Ricard.
Une vie spirituelle au quotidien
Dans la maison chrétienne de repos, on propose via haut-parleurs des quiz, des lectures de fables ainsi que la retransmission de la messe célébrée chaque matin à 10 heures dans les deux chapelles du Quinsan par deux prêtres qui ont fait, eux aussi, le choix de s’y installer pendant le confinement.
«Nous sommes très bien soutenus sur le plan spirituel» assure Madeleine Quatrefages. «Nous avons une messe tous les jours diffusée par les haut-parleurs installés dans chaque studio. Un prêtre s’est volontairement confiné avec nous. Il célèbre tous les jours la messe en présence des bénévoles qui nous apporte ensuite la communion. C’est un soutien très important. Et je vois aussi, qu’avec mes enfants et mes petits-enfants on s’échange des choses sur Whatsapp ou autre, dernièrement une neuvaine de saint Joseph. Donc moi, personnellement, je suis pas mal connectée avec l’extérieur et avec l’intérieur également. Nous avons un téléphone interne qui nous permet de prendre des nouvelles les uns des autres. Donc, on ne se sent pas isolés. Tout cela permet d’entretenir de bons liens, et on reste de bonne humeur» assure-t-elle.
Ils leur apportent la communion ou leurs plateaux-repas, une dizaine de jeunes ont décidé de se mettre au service de leurs ainés. C’est le cas de Paul, 19 ans, un fidèle de la paroisse de Montfavet à trente kilomètres de là. Il a suivi les conseils d’un ami séminariste qui avait avant lui fait le choix de vivre le confinement au Quinsan comme bénévole.
Solidarité inter-générationnelle
Paul vivait confiné chez son père et a vu là l’occasion de se rendre utile. En s’engageant, il avait aussi sa grand-mère en tête, veuve depuis l’été dernier et qui vivait ainsi seule le confinement. «Du coup, explique Paul, chaque personne est importante pour moi. Chacune a son histoire à raconter et on peut entretenir des relations plus ou moins proche mais toujours très intéressantes.» Paul passe tous les après-midi voir une résidente qui perd la vue et qui lui a confié vivre très difficilement cette période. Alors qu’il distribuait les plateaux-repas, Paul a aussi repéré un pensionnaire qui jouait seul au scrabble. Il a décidé de lui rendre visite, après s’être consciencieusement laver les mains, pour lui proposer une partie. «Il était super content. J’avais emporté mon ordinateur portable. Comme ça, alors que nous faisions notre partie de scrabble, son épouse a pu parler à famille sur skype » détaille Paul. Il avoue aussi appeler sa grand-mère chaque jour par vidéoconférence pour lui raconter ses journées et ses rencontres. «Elle trouve cela formidable (…) et elle est super fière de moi» avoue-t-il.
Bien sûr, certains résidents du Quinsan ressentent de la mélancolie ou de la solitude mais y est également né en cette période de pandémie et contrecourant du monde, une expérience de partage, de communion et de joie.
L’Institut Notre Dame de Vie dont le siège se situe à Venasque, est composé de deux branches laïques, hommes et femmes et d’une branche sacerdotale. Il a été fondé par le père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, béatifié le 19 novembre 2016.
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