En RDC, la crainte d’une double épidémie
Marine Henriot - Cité du Vatican
Le 12 avril 2020, la fin de l’épidémie d'Ebola devait être proclamée après 52 jours sans décès. Ce jour-là pourtant, une personne meurt après avoir contracté le virus dans le territoire de Beni, dans l’Est de la République démocratique du Congo. C’est la deuxième en 48 heures.
Au total, trois nouveaux cas de contamination ont été recensés dans la région, et la RDC doit désormais attendre 42 jours supplémentaires sans nouveaux cas -soit deux fois la durée maximale d'incubation, pour proclamer la fin de cette dixième épidémie sur le sol congolais où le virus a tué 2 276 personnes, selon les autorités sanitaires congolaises.
La patience est de mise, mais le chef du bureau des Nations unies pour la réponse d’urgence à l’épidémie d’Ebola reste néanmoins optimiste. «Il faut se retrousser les manches, nous ne sommes pas loin de la fin», estime Abdou Dieng. Après 20 mois de lutte contre l’épidémie, les résultats sont en effets encourageants : des centres de dépistage de la maladie sont installés dans les villages pour identifier les malades et les placer en isolement au plus vite ; plus de 320 000 personnes ont été vaccinées.
Travailler avec les communautés
Dans une région happée par les violences et la pauvreté, l’appui des différentes communautés locales se révèle être indispensable, «la condition sine qua none» pour lutter contre la maladie, détaile Abdou Dieng, «les communautés congolaises sont la clef de voûte de la réussite». Basé à Goma, le chef du bureau des Nations unies se réjouit du changement de comportement qu’il a pu constaté au sein des communautés, passant de la défiance à la coopération, «les communautés ont compris que cette maladie était dangereuse, qu’elle tuait et qu’elle existait. C’est comme avec la maladie Covid-19, au début, les gens n’y croient pas».
À l’heure où 307 cas de coronavirus sont comptablisés dans le pays, pour 25 morts, Abdou Dieng redoute une double épidémie, «les systèmes de santé qui existent ne pourraient pas répondre à des flambées de maladies comme on l’a vu en Europe», explique-t-il.
Des gestes barrières ancrés dans le quotidien
Ebola et Covid-19 sont deux maladies bien distinctes, qui ne se dépistent pas de la même façon. Alors qu’Ebola peut être pris en charge en coeur des communautés, avec des laboratoires maintenant installés au plus proche des populations, il n’existe pas de test délocalisé pour le coronavirus. «Il faut donc travailler sur la prévention», note Abdou Dieng.
Cependant, après plus de deux ans et demi d’épidémie Ebola, les gestes barriéres sont désormais intégrés dans le quotidien de chacun dans la province de Beni, ces mêmes gestes qui doivent être appliqués aujourd’hui pour lutter contre le nouveau coronavirus : se laver les mains et prendre sa température.
Confinement et déconfinement
Il faut également noter la réaction rapide des autorités congolaises, se réjouit Abdou Dieng. Aujourd’hui, le port du masque est obligatoire à Kinshasha, la tentaculaire capitale du pays où résident plus de 11 millions d’habitants. Centre du pouvoir et des affaires de la ville, la commune de la Gombe avait enregistré de premiers cas «importés» d'Europe à partir du 10 mars et avait été totalement confinée depuis le 4 avril. Elle sera progressivement déconfinée.
Selon le prix Nobel de la paix congolais, Denis Mukwege, «dans son ensemble, l'Afrique a pris conscience de la gravité de la maladie. Et on n'a pas vu se reproduire la situation comme avec le sida, où certains gouvernements africains étaient dans le déni. Là, ils ont pris des mesures appropriées».
Si pour l’instant le fragile système de santé congolais arrive à absorber les patients, les autorités sanitaires congolaises craignent le pire début mai dans la plus grande ville d’Afrique francophone, lorsque que l’épidémie de Covid-19 entrera «dans une phase de croissance exponentielle» et menacera de déborder les hôpitaux.
Notre entretien avec Abdou Dieng, chef du bureau des Nations unies pour la réponse d'urgence à Ebola (UNEERO).
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