Aux Philippines, les menaces du président contre la liberté de la presse
Entretien réalisé par Marine Henriot - Cité du Vatican
«Ce n’est pas parce que vous êtes journaliste que vous êtes exemptés d’assassinat»: c'est avec cette déclaration contre la presse que Rodrigo Duterte débutait son mandat en mai 2016. Depuis, le président a engagé un bras de fer contre la presse aux Philippines, prenant l’habitude de s’attaquer aux médias qui le critiquent. Sa dernière victime: le plus grand groupe de médias philippin, ABS-CBN, qui a interrompu ses émissions il y a quelques semaines à cause du blocage de sa licence de diffusion. Certains y voient une nouvelle attaque du gouvernement contre la liberté de la presse. Au début de son mandat, Rodrigo Duterte avait reproché au groupe de ne pas avoir diffusé ses spots de campagne présidentielle et de ne pas avoir remboursé l'argent perçu pour les diffuser.
Nouvelle loi contre la presse
En mars dernier, le président signait un loi dite «loi sur l’effort commun pour guérir ensemble», sous couvert de lutter contre la désinformation pendant la crise sanitaire liée au Coronavirus, le texte octroie des pouvoirs spéciaux au gouvernement pour poursuivre les médias ou journalistes. Un texte qui suscite l’inquiétude de RSF (Reporters Sans Frontières): «Nous demandons l’abrogation immédiate de ce texte, qui entend condamner la diffusion de ‘fausse information’ alors qu’aucune définition de cette notion n’existe en droit philippin, de sorte qu’il constitue une sérieuse menace contre la liberté d'informer. Dans cette période cruciale de crise du coronavirus, les autorités doivent laisser les journalistes faire leur travail, quelle que soit la nature du média pour lequel ils officient», peut-on lire sur le site de l’organisation.
Un texte accompagné de menaces contre la presse et la population: «Je demande juste un peu de discipline. Sinon, si vous ne me croyez pas, alors l’armée et la police prendront le relais», a averti le président dans un discours télévisé tandis qu'il présentait la nouvelle loi. «L’armée et la police appliqueront la distanciation sociale au moment du couvre-feu… C’est comme la loi martiale. C’est vous qui choisissez», a-t-il lancé.
Menaces, loi sévère, la liberté de la presse est-elle en danger aux Philippines? Éléments de réponses avec David Camroux, chercheur honoraire au CERI, centre de recherches internationales de Sciences Po Paris.
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