Burundi: l'exercice du pouvoir selon feu Pierre Nkurunziza
Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican
Le gouvernement a annoncé mardi le décès «inopiné» du président Pierre Nkunrunziza, âgé de 55 ans, à la suite d’un «arrêt cardiaque», lit-on dans un communiqué. Son épouse atteinte de Covid-19, était soignée à l’étranger au moment de sa mort. Elle est depuis rentrée au pays.
Récemment élevé au rang de «visionnaire» et de «guide suprême du patriotisme» ce qui lui garantissait une certaine influence, le chef de l’État ne s’était pas représenté à la présidentielle du 20 mai, ayant perdu le soutien des généraux. Le scrutin, dont le résultat est contestée par l'opposition, fut remporté par le candidat de son parti, le général Ndayishimiye qui devrait prendre les rênes du pays le 20 août prochain. La prestation de serment pourrait être avancée, à moins que le président de l’Assemblée nationale, Pascal Nyabenda, n’assure l’intérim, comme le prévoit la Constitution.
Thierry Vircoulon, coordonnateur de l’Observatoire de l’Afrique australe et centrale à l’IFRI, revient sur la trajectoire politique de l’ancien professeur de sport, ayant pris le maquis lors de la guerre civile -300 000 personnes ont perdu la vie entre 1993 et 2006, pour devenir un des chefs de la rébellion Hutu et, en 2005, président du Burundi, sa personnalité faisant l’objet d’un consensus au sein de son parti, le CNDD-FDD.
Lors de son premier mandat, l’adoption de deux mesures garantissant la gratuité des soins pour les femmes et les enfants ainsi que de l’enseignement en primaire, assurent une grande popularité à Pierre Nkurunziza et au CNDD-FDD, rapporte le chercheur. Le deuxième mandat sera un point de bascule, avec une première vague de repression à l’encontre du principal parti d’opposition qui avait contesté la présidentielle de 2010. «Le CNDD-FDD n’a jamais adhéré au principe, inscrit dans les Accords d’Arusha puis dans la Constitution du Burundi, d’une démocratie pluriethnique», explique Thierry Vircoulon qui parle d’un «recours décomplexé à la violence politique» en 2015 notamment, lorsque les partis d’opposition sont rejoints par la société civile et la frange la plus modérée du CNDD-FDD pour contester le troisième mandat du président Nkurunziza. La crise politique a fait 1200 morts et provoqué l’exil de 400 000 personnes. Cinq ans plus tard, de nombreux opposants politiques sont toujours exilés, note le chercheur.
Pour se maintenir au pouvoir, le président Nkurunziza s’appuie sur «des campagnes de disparitions, une répression ciblée» mais également sur «la corruption d’une partie de la classe politique et la grande pauvreté de la population qui n’a pas les moyens de résister au régime», souligne Thierry Vircoulon.
Si un retour à une démocratie pluraliste et multiethnique est souhaitable, elle est peu probable selon le chercheur, car le nouveau président, le général Ndayishimiye, fait partie de l’élite militaire qui pilote le CNDD-FDD. En revanche, après le décès de Pierre Nkurunziza qui niait l’existence de la covid-19, le régime pourrait maintenant prendre des mesures pour freiner la propagation du virus dans le pays, espère le coordonnateur de l’Observatoire de l’Afrique australe et centrale à l’IFRI, l'Institut français des relations internationales.
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