Le compositeur Ennio Morricone est mort à l'âge de 91 ans
Michele Raviart et Adelaide Patrignani - Cité du Vatican
Compositeur, producteur et chef d’orchestre de renom, Ennio Morricone est mort à l'aube de ce 6 juillet «avec le réconfort de la foi», a annoncé dans une note son ami et avocat Giorgio Assumma. Agé de 91, il était hospitalisé dans une clinique romaine après avoir fait une chute. Il «a conservé jusqu'au bout une pleine lucidité et une grande dignité. Il a salué son épouse bien-aimée Maria qui l'a accompagné avec dévouement à chaque instant de sa vie humaine et professionnelle et l'a accompagné jusqu'à son dernier souffle», poursuit la note. Les funérailles se dérouleront en privé «dans le respect du sentiment d'humilité qui a toujours inspiré les actes de son existence».
Entre musique et foi
Né à Rome le 10 novembre 1928, Ennio Morricone a reçu l’Oscar pour sa carrière en 2008, après avoir reçu cinq nominations. Diplômé du Conservatoire Sainte Cécile, il a composé une centaine d’œuvres de musique et a arrangé des chansons qui ont marqué la musique pop italienne des années 1960, comme “Se telefonando” et “Sapore di sale”.
Mais c’est grâce au cinéma qu’Ennio Morricone atteint une renommée mondiale, composant plus de 500 bandes originales, pour des films souvent passés dans le rang des grands classiques, comme “Il était une fois dans l’Ouest”, de son fidèle acolyte le réalisateur italien Sergio Leone, mais aussi “Les incorruptibles” de Brian De Palma, “Mission” de Roland Joffé, ou “Les huit salopards” de Quentin Tarantino, qui lui a valu le Golden Globe en 2016.
En 2015, il compose la Missa Papae Francisci («Messe pour le Pape François») à l’occasion du bicentenaire du rétablissement de la Compagnie de Jésus. Cette œuvre lui avait été commandée en 2012 et il avait décidé de la dédier au Pape François, sans parvenir cependant à convaincre cependant le Souverain Pontife d’assister à son exécution.
En 2019, le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la Culture, lui remet la «Médaille du Pontificat» du Pape François, «pour son extraordinaire engagement artistique, qui a aussi eu des aspects de nature religieuse». Quelques mois plus tard, le Maestro fait ses adieux à la scène et accepte de diriger un concert en salle Paul VI au Vatican en 2020. «Je ne pouvais pas dire non» avait-il simplement expliqué à cette occasion.
Les condoléances de Sergio Mattarella
«La mort d'Ennio Morricone nous prive d'un artiste éminent et brillant», a déclaré ce lundi le président de la République italienne Sergio Mattarella. «Musicien à la fois raffiné et populaire, lit-on dans un communiqué du Quirinal, il a laissé une empreinte profonde dans l'histoire musicale de la seconde moitié du XXe siècle. Par ses bandes sonores, il a grandement contribué à la diffusion et au renforcement du prestige de l'Italie dans le monde».
L'hommage du cardinal Ravasi
Pour le cardinal Gianfranco Ravasi, dans la diversité des genres abordés, la musique de Morricone exprime la spiritualité et la religiosité.
Qu'est-ce qu'Ennio Morricone a représenté dans la culture musicale de notre époque?
Concernant la connaissance que j'ai eue de lui, grâce à plusieurs rencontres, mes souvenirs d'Ennio Morricone sont nombreux. Je dois admettre que ce n'est pas seulement le grand volet cinématographique qui restera dans les mémoires. Nous savons combien il a été original et significatif dans ce domaine, surtout dans le monde catholique, avec le film “Mission” comme exemple fondamental, mais je dois me souvenir de Morricone pour au moins deux événements particuliers, qui ont été d'une spiritualité exquise: d'une part celui de la rencontre et du séjour avec lui pendant quelques jours en Pologne, quand il a préparé un oratorio pour Jean-Paul II. Le deuxième événement est la dernière rencontre en date, le 15 avril 2019, lorsque je lui ai remis, au nom du Pape François, la médaille d'or du pontificat pour son œuvre musicale. Ces deux moments témoignent de ce qu'il a toujours attesté: sa foi.
Y avait-il quelque chose de religieux dans la musique de Morricone, qu'il joue un western ou un film policier ou même des films à caractère religieux, comme “Mission”, que vous avez mentionné?
Il avait certainement, je dois dire, un intérêt particulier à pouvoir faire de la musique, disons sacrée ou dans un sens religieux. Morricone me l'a dit plus d'une fois, aussi parce qu'il y avait cette dimension spirituelle et religieuse dans sa musique. Cet aspect faisait partie de lui: créer de la musique en tant que telle, telle qu'il l'a exprimée, en passant par la diversité des genres, plus impensables à certains égards. Pensons à “Pour une poignée de dollars” ou “Il était une fois en Amérique” de Sergio Leone, ou à “La bataille d’Alger” de Gillo Pontecorvo, mais aussi “Les oiseaux, petits et gros” de Pier Paolo Pasolini et bien d'autres, c'est un panorama très articulé. Mais je dois dire que la grande musique qu'il a proposée a toujours en elle ce qui a été affirmé dans la grande tradition, c'est-à-dire que la musique est en quelque sorte le langage de la transcendance, le langage qui raconte le mystère. Même lorsqu'elle parle de manière laïque, sa beauté est quelque chose qui nous conduit pas à pas vers l'éternel et l'infini.
Avec Ennio Morricone, la musique n'est pas seulement commentaire, mais aussi protagoniste avec l'image; c'est la valeur ajoutée qu’il a donnée à la musique?
C'est vrai, il faut en effet souligner, pour autant que j’ai pu l’entendre même de sa part, l'attention qu'il portait à la fonction du commentaire sonore. En effet, une fois, je l'ai explicitement invité dans mon dicastère, le Conseil Pontifical de la Culture, lors d'une session plénière et je l'ai invité à parler du thème de la beauté, à partir de son expérience de musicien, et il a dit des choses très originales. Il y a deux grandes expériences, qui sont, d'une part, l'expérience auditive, qui est précisément celle de la musique, où l'écoute est fondamentale, et, d'autre part, l'aspect visuel qui est la découverte de la façon dont la musique évoque, fait percevoir, parvient à représenter efficacement les faits. Si l'on passe en revue les films dont Ennio Morricone a composé la bande originale, on se souvient presque spontanément non seulement de la dimension visuelle, mais aussi de la dimension sonore. Il y a un fil conducteur musical, qui va de pair avec celui de l'image, étroitement liés entre eux. Cela est vrai pour “Mission”, déjà mentionné: dans ce cas, le commentaire musical est de nature religieuse et illustre de manière significative le thème du film, qui est le thème de la mission. C'est pourquoi je crois que nous devons tous être reconnaissants à Ennio Morricone, croyants et non-croyants, mais surtout de la part des croyants auxquels il appartenait, d'avoir pu exprimer en même temps l'ineffable et l'invisible, qui sont l'âme de la religion.
Article mis à jour à 15h30 le 06.07.2020
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici