Terrorisme en France: une menace toujours présente et qui se diversifie
Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
En France s’est ouvert mercredi dernier, devant une cour d'assises spéciale, le procès des attentats commis en janvier 2015 à Charlie Hebdo, à Montrouge et à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris.
Depuis ces attaques terroristes, vingt-cinq autres ont eu lieu sur le territoire français, et comme l’a affirmé le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, le 31 août dernier sur France Info, une demi-douzaine d’attentats ont été ces derniers mois. Un chiffre qui étaye les propos tenus le même jour par Gérald Darmanin lors d'un discours prononcé au siège de la DGSI (Direction général de la Sécurité intérieure). Le ministre de l’Intérieur déclarait alors que la menace terroriste reste «extrêmement élevée» en France, et que trente-deux attentats ont été déjoués depuis 2017.
Mais si la menace reste aussi forte, sa nature a-t-elle évoluée?
Dans les mois voire les années qui ont suivi janvier 2015, «on était dans un contexte où l’on craignait plus particulièrement la menace terroriste de nature jihadiste, et aujourd’hui, cette menace est en train de se diversifier», répond Jean-Marc Lafon, consultant, observateur des conflits au Moyen-Orient et des mouvements terroristes, et co-fondateur de l’institut Action Résilience.
Des groupes non-jihadistes «potentiellement très dangereux»
Il y a bien sûr une menace endogène, venant d’individus habitant l’Hexagone et susceptibles de passer à l’acte, et une menace provenant de personnes qui sont enrôlés dans des groupes agissant «sur des théâtres d’opérations extérieurs». Mais au-delà de cette distinction, on observe de nombreux groupes qui se développent en-dehors de la sphère jihadiste.
«Il y a aujourd’hui sur les territoire français des gens qui sont allés se battre avec des mouvements d’extrême-droite, notamment au Donbass, et qui sont rentrés», explique Jean-Marc Lafon, ces personnes ayant acquis «un certain nombre de savoir-faire, et (elles) les ont rapatriés en France où (elles) sont adhérentes à des mouvements vraiment extrémistes, et potentiellement très dangereux. Et ces gens-là s’expriment sur les réseaux sociaux comme le faisaient les jihadistes en 2013-2014. Comparaison n’est pas raison, mais il y a des convergences qu’il va falloir surveiller de très près», met en garde le consultant, qui repère des «propos extrêmement violents, haineux» véhiculés sur les réseaux sociaux, «sur fond de conspirationnisme».
Le poison des théories du complot
Le baromètre de la menace terroriste se trouve en effet du côté d’internet, car «le carburant de ces mouvements extrémistes, c’est pratiquement toujours le conspirationnisme», rappelle Jean-Marc Lafon, et ce phénomène «flambe» avec la crise sanitaire actuelle. «Quand on analyse aujourd’hui la menace de l’extrémisme armé, de l’extrémisme violent, il faut partir à l’aune du conspirationnisme», d’un «système de pensée» qui «alimente les pires mouvements que l’humanité ait connu», souligne-t-il en définissant le conspirationnisme comme «le refus de méthodes de pensée rationnelles».
Sur les réseaux sociaux, il s’agit donc de donner le moins de visibilité possible à ce genre de propos. Et «le défi des services de sécurité c’est principalement la masse croissante d’informations qu’ils vont avoir à brasser», «pour des moyens techniques qui ne sont pas extensibles à l’envi».
Concernant justement les moyens de lutte contre le terrorisme mis en place par l’État français, Jean-Marc Lafon se veut encourageant. «Aujourd’hui, on est certainement et sans aucun doute beaucoup plus efficaces qu’on ne l’était en 2015, estime-t-il. Maintenant, ce qui peut constituer un défi, c’est l’évolution de cette menace vers d’autres mouvances», avec plus de personnes à surveiller. «Sur le plan technique et sur le plan de l’arsenal, on s’est adapté à une menace terroriste majeure qui était à l’époque la menace jihadiste et qui reste aujourd’hui prégnante. Mais ce n’est pas parce que le nombre des attentats a baissé qu’il faut considérer que la menace jihadiste n’existe plus». L’hydre du terrorisme a seulement de nouvelles têtes, et se nourrit d’un «système de pensée» mortifère auquel il est urgent d’opposer le souci libérateur de la vérité.
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