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Jour de vote à Bangui, ce dimanche 27 décembre 2020. Jour de vote à Bangui, ce dimanche 27 décembre 2020. 

Centrafrique : «La plupart des gens pensent que la continuité est le moindre mal»

Les Centrafricains ont voté ce dimanche pour des élections présidentielle et législatives. À Bangui, la capitale placée sous haute sécurité, le scrutin s’est déroulé dans le calme, mais en province des milliers de personnes auraient été empêchées de voter en raison de l’insécurité. Le témoignage du père Federico Trinchero, carme déchaux de la province de Gênes, en mission en Centrafrique depuis 2009.

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Dans les rues de la capitale, des membres des forces de l’ordre, des soldats centrafricains et casques bleus de la force onusienne de la Minusca ont patrouillé toute la journée pour sécuriser le vote. Et finalement, témoigne le père Trinchero au couvent Notre-Dame du Mont-Carmel à Bangui depuis 2013, «c’était un vote assez normal». Il décrit la forte affluence, avec des personnes faisant la queue devant les bureaux de vote. «Les gens ont pu exprimer leur vote en toute tranquillité», mais cela n’a pas été le cas dans de nombreuses villes de province, souligne-t-il.

Entretien avec le père Trinchero

Les deux tiers du territoire centrafricain sont actuellement tenus par des groupes rebelles et six d’entre eux ont menacé quelques jours avant le scrutin de couper les routes approvisionnant la capitale, si le pouvoir sortant «se livrait à des fraudes» pour commettre «un hold-up électoral», selon leurs expressions. Dans les jours précédents le scrutin, plusieurs villes sont passées sous contrôle de ces groupes, qui ne sont toutefois pas en mesure de prendre Bangui, affirme le religieux.

«Les forces centrafricaines de la FACA ne sont pas en mesure de défendre le pays, de répondre aux attaques des rebelles ni même de protéger le président» mais la présence des casques bleus ainsi que celle de militaires étrangers, des Rwandais et des Russes invités par le gouvernement pour former les militaires nationaux, permet de croire qu’un coup d’État est impossible.

Des incidents en province

Ce dimanche, aucun épisode de violence n’a été signalé mais des incidents épars ont été rapportés par des responsables locaux et de l’Onu anonyme. À Bossembélé, une ville de 50.000 habitants à 150 km de Bangui, «nous n'avons pas reçu les cartes d'environ 11.000 électeurs», s'est désolé une haute responsable de la sous-préfecture auprès de l’AFP. Le père Trinchero évoque lui du matériel électoral volé, des urnes pleines de bulletins de vote, et un climat de peur dans certaines zones du pays, notamment dans le nord-ouest du pays. Conséquence: des milliers de Centrafricains n’ont pas pu voter.  

«S’ils n’ont pas pu voter, il y a injustice et on doit trouver une solution car le vote est un droit», estime le carme déchaux, «en même temps, on ne peut pas prétendre, avec une détérioration de la situation ces dernières semaines, à des élections parfaites», regrette-t-il. Il s’interroge sur la suite que donneront les autorités à ce vote volé. Ce lundi soir les autorités n’envisageaient pas, du moins publiquement, d’organiser un nouveau premier tour dans les zones affectées.

Le délicat équilibre entre paix et démocratie

«Personnellement, je pense que ce serait mieux d’accepter cette situation imparfaite pour aller vers l’apaisement et ne pas permettre aux rebelles de tenir en otage une grande partie du pays», affirme le père Trinchero. Il préfère l’imperfection du vote «plutôt que de retourner à une situation de chaos, d’instabilité et de violence ; violences que le pays a connues et dont il ne veut plus. C’est l’équilibre subtil entre la paix et la démocratie» affirme-t-il.

Selon le religieux, la plupart des gens pensent que la continuité est un moindre mal.

Face à 15 candidats, le président Touadéra est le favori de la présidentielle. «Le gouvernement actuel est légitime mais il n’a pas les moyens, la force, ni l’autorité morale (de maintenir le calme)» juge le père Trinchero. Celui-ci reconnait les efforts fournit ces cinq dernières années, mais l’équipe au pouvoir «aurait pu faire plus».

Les premiers résultats partiels sont attendus le 4 janvier et définitifs le 19. Un second tour éventuel est prévu pour le 14 février.

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28 décembre 2020, 16:59