Pakistan : une «Journée noire des droits de l'Homme » contre les discriminations
Lisa Zengarini - Cité du Vatican
Kidnappée il y a cinq mois, forcée de se convertir à l'Islam puis d'épouser un de ses ravisseurs âgé de 45 ans: Farah Shaheen, une adolescente chrétienne pakistanaise de 12 ans seulement, a été libérée la semaine dernière par la police de Faisalabad, puis placée dans un foyer d'accueil par un tribunal. L'adolescente, rapporte l'agence Ucanews, «a été retrouvée enchaînée dans une pièce avec des blessures aux chevilles et aux pieds». En état de choc, elle n'a pas encore pu raconter l'horreur qu'elle a vécue ces derniers mois.
Une loi contre les mariages forcés
Farah n’est que la dernière victime d’une pratique courante au Pakistan et de plus en plus utilisée par les islamistes comme un instrument supplémentaire de persécution contre les minorités religieuses. Le phénomène a de nouveau fait la Une de l'actualité ces dernières semaines après le cas d'Arzoo Masih, une jeune fille chrétienne de 13 ans enlevée en octobre dernier, forcée d’épouser un musulman, puis «libérée» sur ordre d'un tribunal, grâce aussi aux protestations des Églises chrétiennes. Depuis quelque temps, ces dernières réclament une loi spécifique pour rendre pénalement responsables les auteurs de ces crimes qui, dans la plupart des cas, restent impunis en raison de la complicité des autorités policières et judiciaires.
Une grande mobilisation
Après la libération de Farah, les chrétiens, qui ont reçu la semaine dernière l'assurance que le gouvernement enquêtera sur les conversions forcées, font à nouveau entendre leur voix. Le 10 décembre prochain, Journée internationale des droits de l'Homme, une “Journée noire” sera organisée dans tout le Pakistan pour protester contre l'augmentation des violences et de la discrimination à l'encontre de toutes les minorités religieuses (y compris les hindous et la communauté Ahmadiyya). «Toutes les familles chrétiennes du Pakistan devraient se joindre à la protestation. Il est temps de dire la vérité pour protéger les générations futures», affirme Nadeem Bhatti, président de Canadian Aid to Persecuted Christians, une organisation canadienne à but non lucratif qui s'engage à fournir une aide financière et juridique aux chrétiens pakistanais arrêtés illégalement en raison de leur foi. «La police semble soutenir les criminels. Le gouvernement devrait agir rapidement contre cela».
Des chiffres en hausse
Selon l'ONG Centre for Social Justice (CSJ), entre 2013 et novembre 2020, quelque 162 cas de conversions suspectes ont été rapportés, dont 49 rien qu' en 2019. Plus de 46 % des victimes étaient des mineurs, dont près de 33 % avaient entre 11 et 15 ans. Plus de 54% des victimes appartenaient à la communauté hindoue, tandis que 44% étaient chrétiens. Mais les cas médiatisés ne représentent que la partie émergée de l'iceberg ; beaucoup de journalistes ne se risquent pas à faire des reportages par crainte de représailles. Les minorités chrétiennes du Pakistan ne sont pas seulement victimes de conversions forcées, mais aussi d'autres violences et abus liés à la loi controversée sur le blasphème, à la discrimination en matière de salaires et de recrutement, ainsi qu'à l'accès à l'aide sociale.
Et cette situation perdure à la faveur de la crise sanitaire. Ces derniers mois, les nettoyeurs dans les hôpitaux et dans les rues (un secteur encore réservé aux non-musulmans) se sont également vu refuser des équipements de protection individuelle au seul motif qu'ils sont chrétiens, alors qu'ils sont particulièrement exposés à la contagion. «Les chefs de service les ignorent. Pour beaucoup, ils n'existent même pas. Même les lois de l'État les stigmatisent. Le droit du travail ne protège pas leur sécurité», assure à Ucanews Saira Javed, qui a reçu la semaine dernière un prix du Centre pour le droit et la justice (CLJ) pour son travail. «Les gens évitent de servir les repas dans nos assiettes. Les restaurants livrent la nourriture dans des sacs en plastique et la plupart des familles refusent de fournir un verre d'eau. Nous devons étancher notre soif aux fontaines dans la rue. Nos balais peuvent nettoyer les rues mais ne peuvent pas effacer la stigmatisation dans la tête des gens», s’insurge-t-elle.
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