Femmes de réconfort: l'État japonais appelé à s'excuser
Lisa Zengarini - Cité du Vatican
Regain de tension entre la Corée et le Japon après une décision de justice portant sur la question des femmes de réconfort, ces Coréennes qui furent contraintes à la prostitution par les soldats japonais lors de l’occupation nippone de la péninsule entre 1910 et 1945. Début janvier, un tribunal de Séoul a condamné le Japon à payer 91 360 dollars à 12 victimes qui avaient entamé des poursuites judiciaires en 2013.
Le gouvernement japonais a contesté la validité du procès et l’application de la sentence. Le ministre japonais des Affaires étrangères, Toshimitsu Motegi, a appelé le gouvernement de Séoul à prendre des mesures contre cette condamnation, accusant la Corée du Sud de violer les traités existants. Il s'agit notamment d'un accord bilatéral signé en 1965 qui aurait réglé le différend relatif à l'occupation japonaise de la péninsule coréenne, et d'un accord signé en 2015 dans lequel le Japon s'est excusé et a promis de créer un fonds pour les victimes de près de 8,5 millions de dollars. Ce dernier accord est toutefois jugé insuffisant par la plupart des survivants, car il ne reconnaît pas le Japon comme «légalement» responsable de ce qui s'est passé et n'offre pas de compensation directe et officielle. Les autorités sud-coréennes ont répondu aux accusations de Tokyo en menaçant le pays de représailles économiques, comme cela s'est produit en de précédentes occasions.
Renoncer à la fierté nationale
La conférence épiscopale japonaise, sensible de toujours à la question des droits de l'homme, s’est prononcée dans une déclaration publiée à l'occasion du vingtième anniversaire du «Tribunal international sur les crimes de guerre contre les femmes et l'esclavage sexuel par l'armée japonaise» créé symboliquement à Tokyo en décembre 2000 par des mouvements de femmes, dont plusieurs femmes chrétiennes, précisément pour rappeler les responsabilités du Japon envers les femmes de réconfort.
Dans cette déclaration, signée par Monseigneur Katsuya Taiji, président du Conseil de justice et de paix, l’Église demande au gouvernement japonais de s'engager à trouver une solution au problème, en pensant à la souffrance des victimes et non à la fierté nationale. Le texte rappelle les principales étapes du parcours qui, depuis le début des années 90, a porté à l'attention de l'opinion publique et des institutions internationales le drame des «femmes de réconfort», après des décennies de silence. Le président du Conseil Justice et Paix qualifie, sans équivoque, les abus infligés à ces femmes comme des «crimes nationaux», en soulignant que la violence sexuelle est encore très répandue dans la société, comme en témoigne le mouvement #Metoo, et dans certains cas même dans l'Église.
Ne pas cacher la vérité des faits
C'est précisément à la lumière de l'expérience de l'Église dans la lutte contre les abus sexuels sur les mineurs et les personnes vulnérables, avec la prise de ses responsabilités, la demande de pardon aux victimes et la collaboration avec les autorités civiles, que Monseigneur Taiji s'adresse au Premier ministre japonais Yoshihide Suga pour lui demander de «ne pas cacher la réalité des faits» qui se sont produits mais plutôt de les affronter «en préservant la mémoire, sans crainte, afin qu'ils ne se répètent jamais».
Concrètement, les évêques japonais souhaitent que soient officiellement reconnu l’«esclavage sexuel», un système dont l'État japonais avait connaissance, et d'écouter les raisons des victimes non consultées en 2015 et de les indemniser selon leurs demandes. Le document demande également des «excuses publiques et formelles» et que ce chapitre dramatique de l’histoire soit inscrit dans l'histoire officielle du Japon, précisément pour ne pas l'oublier.
Entre les années 1930 et 1945, des dizaines de milliers de femmes, pour la plupart sud-coréennes, sont devenues les esclaves sexuelles de soldats japonais. Le sujet a commencé à être abordé ouvertement en 1991, lorsqu'une femme nommée Kim Hak-soon a raconté pour la première fois publiquement son expérience dans les bordels japonais pendant la guerre. Depuis lors, 240 femmes sud-coréennes ont fait état d'expériences similaires. Ce sujet a été la cause de frictions répétées entre la Corée du Sud et le Japon, notamment en raison du refus des conservateurs japonais de reconnaître qu'il s’agissait d’esclaves sexuelles, suggérant ainsi qu'il n'y avait pas de coercition.
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