Les yézidis d’Irak, un peuple oublié toujours en souffrance
Gabriella Ceraso – Cité du Vatican
C’est un témoignage fort qui interpelle les consciences de tous. En Irak, le responsable du Jesuit refugee service (JRS) évoque le sort des yézidis, cette communauté minoritaire au sein de l’ethnie kurde qui a sa propre religion et vit essentiellement dans les environs de la ville de Sinjar dans la province de Ninive, dans le nord de l’Irak, non loin de la frontière avec la Syrie.
Cette minorité a été violemment persécutée par le groupe État islamique lorsqu’il prit le contrôle de la zone en 2014, puis elle fut oubliée des médias. Pourtant elle fait encore l’objet d’un génocide silencieux, et reste en proie à une souffrance indicible qui pousse certains, notamment les plus jeunes, au suicide.
L'exil perdure
Mercredi dernier, une nouvelle les concernant est parue dans la presse italienne. 26 membres de cette communauté ont sauté de deux conteneurs embarqués sur un cargo arrivé dans le port de Salerne en provenance de Turquie, dans l'espoir de rejoindre l'Allemagne. Les voilà victimes d'une nouvelle filière de trafiquants d'êtres humains sur laquelle les autorités italiennes enquêtent. Peu savent qui ils sont et pourquoi ils fuient, même dans leur propre pays d'origine.
Dans une vidéo publiée par le Centre Astalli, JRS d’Italie, le responsable du Service jésuite des réfugiés en Irak raconte ce qui arrive aujourd'hui à ceux qui ont survécu aux massacres, à la violence et aux déportations des années passées, et qui sont maintenant obligés de vivre dans des camps de réfugiés ou à l’étranger, dans des conditions extrêmement difficiles.
Le père Joseph Cassar, originaire de Malte, vit en Irak depuis cinq ans, dans la ville yézidie de Sharia, qui compte 10 000 habitants, au Kurdistan irakien. En charge du JRS, il accompagne les Irakiens qui occupent les tentes du camp de réfugiés de la ville. 16 000 personnes habitent dans le camp, 18 000 à l’extérieur, toujours dans des conditions précaires. Au total, dans la province, 300 000 personnes déplacées se retrouvent dans 16 camps, explique l'ecclésiastique, mais seuls 40% des Yézidis y vivent.
À l’image du Christ souffrant
«Ils ne représentent pas une masse anonyme, souligne le père Joseph, ce sont des histoires, des familles et des identités, et ce sont des Yézidis», un peuple dont les blessures ne cicatrisent pas. Il y a six ans, ils ont fui leur terre ancestrale, le mont Singar, à l’arrivée des djihadistes du groupe Etat islamique. Tous ne s’en sont pas sortis. Des femmes et des jeunes filles ont été battues, violées et vendues à plusieurs reprises; des enfants et des jeunes ont été vendus et enrôlés pour tuer. Sur les 6400 personnes enlevées, plus de 2800 ne sont jamais revenues.
Aujourd’hui, les jésuites leur apportent un soutien psychologique et social. «Les besoins sont nombreux, et ont empiré avec la pandémie» explique le père Joseph. Il évoque un manque de nourriture, d’accès aux soins ou au travail, d’indépendance économique. Les écoles étant fermées, le manque de ressources éducatives se fait sentir et l'isolement s'accroît.
La paix est nécessaire en Irak
Face à l’ensemble de ces problématiques, les Jésuites se concentrent sur l’éducation la protection des personnes et leur santé mentale, le plus grand drame. «Au cours des 37 dernières heures, il y a eu trois suicides parmi les filles de 15 à 25 ans. Leur expérience est trop lourde» explique le jésuite. «Quand je regarde les visages souffrants des personnes qui viennent dans notre Centre d'assistance psychologique, l'image des blessures de Jésus me vient à l'esprit. Nous touchons ici les blessures cachées du Christ souffrant et nous abordons avec la même révérence cette réalité de la souffrance que les gens vivent». Il estime que plus que toute autre chose, la paix est nécessaire en Irak. Il invite à construire un avenir où l’on vit avec les autres et non en dépit des autres.
Concernant la venue du Pape François en Irak prévue au mois de mars prochain, elle incite les membres du JRS Irak à connaître mieux encore «l'un des carrefours les plus imperméables de l'histoire, traversé aujourd'hui par cette humanité sur la route que nous sommes honorés d'accompagner, de servir et de défendre».
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