Élections en Ouganda: les évêques plaident pour un vote libre et sans violence
Invoquant, en premier lieu, la nécessité d'un vote «libre, juste et crédible», les prélats se disent préoccupés par la possible «mauvaise gestion des résultats des élections», la définissant comme «l'un des plus grands défis du pays, ainsi que l’une des principales causes de violence». Ils rappellent à cet égard les «bains de sang» post-électoraux survenus par le passé, dont la violence a laissé des cicatrices encore bien présentes. Pourtant, les Ougandais semblent «se replier sur eux-mêmes» au lieu d’en tirer les leçons. La conférence épiscopale appelle en conséquence toutes les parties concernées à faire prévaloir la volonté du peuple.
Excès d'argent et éducation civique défaillante
«La politique n'est pas un business pour faire de l'argent», avertissent les évêques qui constatent cependant que la situation à ce niveau s'est détériorée et qu'elle «met en danger les bonnes initiatives lancées dans divers secteurs pour renforcer la gouvernance démocratique nationale». Ils mettent en garde contre le «financement illicite» des élections et encouragent les partis et leurs dirigeants à prendre leurs responsabilités, car «un excès d'argent peut créer un déséquilibre injuste entre les acteurs politiques».
Un point critique souligné par l'Église tient à «l'éducation civique insuffisante des électeurs», et qui est «en partie responsable des nombreux votes non valables déjà lors des élections de 1996». «La Commission électorale n'a pas entrepris d'activités de formation complètes et en temps utile, expliquent les évêques, ce qui aurait pu conduire à une sensibilisation des électeurs tant au système de vote qu'à leurs devoirs civiques. De plus, le pays connaît actuellement «une utilisation limitée des médias en raison des restrictions causées par la pandémie de Covid-19» ; une telle situation permet «à certains candidats» d'agir en toute impunité, «en violant continuellement les directives» établies par les autorités. La lettre pastorale exprime également la désapprobation des évêques face aux attaques perpétrées contre des journalistes et des membres d'organisations de la société civile, autant d’épisodes qui «alimentent le feu dans une situation déjà critique».
Violences de novembre dernier
Parmi les autres points mis en évidence, signalons «la violation de la paix et des droits des personnes»: en novembre 2020, en effet, de nombreuses manifestations ont secoué le pays, suite à l'arrestation de Bobi Wine, candidat à la présidence au nom de la “Plateforme pour l'unité nationale”. Lors des affrontements entre les forces de sécurité et la population, plus de soixante-dix personnes ont été tuées, beaucoup d'autres blessées et les dégâts matériels ont été considérables. «Ce qui nous préoccupe le plus, c’est le fait que de nombreuses victimes ont été tuées ou blessées par les forces de sécurité dont le travail est de protéger la vie et les biens des citoyens. Nous considérons qu'il s'agit d'un abus de pouvoir».
Les évêques ougandais appellent donc les autorités à exercer leur rôle «d'une manière qui soit non seulement moralement irréprochable, mais aussi mieux conçue pour assurer ou promouvoir le bien-être de l'État et de ses citoyens». Face à l'adversité, en effet, «l'État doit faire preuve de retenue, bien conscient qu'un régime qui gouverne uniquement ou principalement au moyen de menaces et d'intimidations ou de promesses de récompense, n'incite pas efficacement les hommes à travailler pour le bien commun et la paix». L’Église invite aussi à sauvegarder les principes démocratiques inscrits dans la Constitution, qui «garantit le droit de chaque citoyen à élire ses dirigeants par le vote, et donne mandat à la Commission électorale d'organiser des élections libres et équitables là où ce droit peut être exercé».
Appels à la commission électorale, aux vainqueurs et aux électeurs
Les évêques se disent encore préoccupés par «l'intolérance», «la discorde au sein des partis politiques», «la corruption», «l'intimidation», «l'utilisation d'un langage offensant et péjoratif parmi les candidats», «le peu d'engagement à impliquer les jeunes» dans le processus électoral ainsi que «l'application inadéquate des mesures anti-Covid». La Commission électorale est en conséquence appelée à gérer le processus électorale avec efficacité et impartialité. Quant aux électeurs, ils sont invités à aller voter le 14 janvier.
Enfin, la conférence épiscopale conseille aux futurs vainqueurs d’ «engager un processus de dialogue et de réconciliation nationale», car «de nombreuses questions en suspens dans le pays ne peuvent être résolues par un vote ou un simple changement de direction». La lettre pastorale se termine par une exhortation à tous d'être des «artisans de paix» et des «témoins courageux de l'amour de Dieu pour leur prochain».
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