L’opposition bélarusse étouffée
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
Depuis vendredi 19 février, une journaliste et un médecin sont jugés au Bélarus pour leurs révélations sur la mort d’un manifestant d’opposition après une interpellation. Jeudi 18 février, deux journalistes ont été condamnées à deux ans de prison ferme, accusées d'avoir fomenté des troubles en couvrant le mouvement de contestation de 2020. Mardi 16, plusieurs perquisitions ont visé une vingtaine de journalistes, militants associatifs et syndicaux dans le cadre d’une enquête sur ce même mouvement. Ces derniers exemples en date montrent que le régime du président Alexandre Loukachenko poursuit la répression de la contestation née au lendemain de sa réélection à la tête de l’État en août 2020.
Une protestation plus timide mais toujours présente
Les opposants politiques sont également visés par des poursuites: Viktor Babaryko, rival notoire du président est jugé depuis mercredi pour corruption et blanchiment d’argent. Son arrestation en juin 2020 avait poussé les différents opposants à se réunir autour de la personne de Svetlana Tikhanovskaïa, elle-même épouse d’un bloggeur arrêté. Exilée au sein de l’Union européenne, elle est reconnue par plusieurs chancelleries comme la représentante de l’opposition bélarusse.
À l’intérieur du pays, «il n’y a plus de manifestations dans l’espace public», note Olga Gille-Belova, maître de conférence à l’université Bordeaux-Montaigne et spécialiste des pays post-soviétiques. Les seuls rassemblements encore visibles ont lieu dans «des quartiers beaucoup plus excentrés» précise-t-elle. En cause, la violence de la répression «beaucoup plus insidieuse» et les conditions hivernales.
La crise persiste
Pourtant, les raisons à l’origine du mécontentement n’ont pas disparu. «Aucune solution à la crise n’a été trouvée» remarque la chercheuse. «Aujourd’hui Loukachenko essaie de proposer une modification de la Constitution tout en gardant un contrôle totale des institutions et surtout, il ne parle pas avec l’opposition». Malgré la colère d’une partie de la population, le régime tient. «Tant qu’il est capable de payer les fonctionnaires et en particulier les membres des forces de l’ordre sur lesquels s’appuie le régime, le soutien des fonctionnaires lui sera indéfectibles», explique Olga Gille-Belova.
Alexandre Loukachenko peut aussi compter sur le soutien d’une partie des Bélarusses qui considèrent que sa politique est la meilleure pour le pays, notamment les retraités dont le régime garantit jusqu’à maintenant le paiement de leurs pensions qui ont même été revalorisées. Le soutien est important également dans le monde rural auquel le président prête une grande attention.
Impuissance des Européens, soutien de la Russie
L’Union européenne a pris plusieurs sanctions contre des cadres du régime mais sans parvenir à infléchir leur attitude vis-à-vis de toute opposition. La semaine dernière, le Canada et le Royaume-Uni ont appelé les autorités bélarusses à mettre fin à la «persécution» jugée «troublante» des militants perquisitionnés mardi. Mais fort du soutien de la Russie, Alexandre Loukachenko ne faiblit pas.
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