La covid-19 rebat les cartes politiques au Brésil
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
La pandémie de Covid-19 a frappé de plein fouet le Brésil. Le pays compte environ 250 000 morts, soit un peu plus de 115 morts pour 100 000 habitants.
Dès l'apparition de la maladie, alors que plusieurs pays d'Europe se confinaient ou prenaient des mesures restrictives pour l'ensemble de la population, Jair Bolsonaro a préféré ne pas prendre de décisions drastiques. Cet attitude de défi envers les masques chirurgicaux, le confinement total ou partiel de la population, la minimisation de la maladie et de ses effets sur la santé, lui a attiré nombre de critiques au Brésil et à l'étranger.
Tensions politiques exacerbées
Cette pandémie a en fait accentué «toutes les tensions politiques et de la polarisation qui président au Brésil depuis l'élection de Jair Bolsonaro» remarque Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS et responsable du Programme Amérique latine/Caraïbe. Aux tensions entre le président et les différentes institutions politiques du pays se sont ajoutées celles autour de la stratégie à opposer à la propagation du virus.
Le clivage le plus marquant est celui autour de la question du confinement ou non de la population, et a été «savamment entretenu par Jair Bolsonaro» souligne le chercheur. Principale conséquence selon lui : «un repositionnement politique» général autour de l'opposition au chef de l'État à tout confinement.
Bolsonaro du côté des plus précaires
«Jair Bolsonaro a cherché à apparaître comme le défenseur des populations qui n'ont pas le loisir, la possibilité de pouvoir se confiner, de pouvoir compter sur un habitat confortable, des moyens financiers et une épargne qui permettent de faire face à la pandémie», explique Christophe Ventura.
Grâce à cette posture de «héros du petit peuple», il conserve un soutien populaire estimé entre 35 et 40 % par les sondages d'opinion.
Or, lors de son arrivée au pouvoir, Jair Bolsonaro était soutenu principalement par les catégories les plus aisées, toutes celles et ceux qui ne voulaient pas voir revenir le Parti des Travailleurs de Dilma Rousseff et Lula da Silva au pouvoir. Ces soutiens n'ont pas apprécié ce retournement du président, plus enclins à se montrer du côté des plus pauvres.
La stratégie adoptée contre la pandémie et des affaires de corruption touchant des proches du président ont également contribué à détacher une partie de ces classes aisées de Jair Bolsonaro. Mais sa posture proche du peuple et ses mesures d'aide économiques pour les plus fragiles lui ont fait gagné d'autres soutiens. «Toute la question pour Bolsonaro est de savoir si ce changement d'alliance qui lui confère une aura plus populaire, va perdurer dans l'année qui vient» alors qu'il est pressé par les milieux économiques à modérer les dépenses publiques.
Au plan politique, ce revirement se ressent.
Renversement d'alliance
«Le bolsonarisme au départ, c'est une sorte de coalition rassemblant les secteurs de l'extrême-droite brésilienne, les secteur de droite intellectuels et politiques radicalisés, une bonne partie des classes supérieures et moyennes urbaines, les militaires, et les élites économiques et financières qui se sont in fine ralliées», décrypte le chercheur de l'IRIS.
Au Congrès, le changement d'alliance se vérifie également. S'il a perdu le soutien des partis de droite et de centre-droit, il a gagné en revanche celui du Centrao, une coalition d'une quinzaine de petits partis «qui font et défont les alliances» en échange de postes dans l'administration, de subsides ou de portefeuilles ministériels, explique Christophe Ventura. Jair Bolsonaro est donc malgré tout dans «position assez solide au Congrès» conclut-il.
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