Face à la paralysie politique, quelle voie de sortie de crise au Liban?
Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
La reconstruction s’éternise au Liban. Depuis la catastrophe du 4 août dernier dans le port de Beyrouth, c’est tout le pays qui semble continuer de se désagréger. La situation économique, sociale et politique n’a pas connu d’amélioration en six mois.
Plus de 55 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté et 23 % sous le seuil d'extrême pauvreté, selon l'ONU. Les prix à la consommation ont augmenté de 133 % en un an, selon les dernières estimations de l'Administration centrale de la statistique, et le ministère de l'Economie a décidé le 1er février dernier de relever le prix plafonné de la rabta - le sachet de pain arabe.
À Tripoli, mais également à Minié, Baalbeck et Hasbaya, - en majorité dans les régions sunnites de cet État multiconfessionnel - des manifestations parfois violentes ont eu lieu, pour contester l’incurie du gouvernement et la gestion de la pandémie.
Coups de semonce depuis l'étranger
«Nous sommes aujourd’hui dans une situation de quasi État défaillant, avec un effondrement économique, une désintégration du tissu social». «Évidemment, ceci menace à terme l’unité du pays», estime Walid Charara, éditorialiste au quotidien libanais Al Akhbar et membre du Centre consultatif pour les études et la documentation.
À ses yeux, le Liban a besoin «d’un gouvernement national qui puisse élaborer une stratégie de sortie de crise sur le moyen et le long-terme». C’est d’ailleurs ce qu’ont réclamé cette semaine le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, et son homologue français, Jean-Yves Le Drian, en appelant le 4 février les responsables libanais à mettre en œuvre leur engagement de former un gouvernement. Il s’agit d’une condition sine qua non à un «soutien structurel et de long terme» de la communauté internationale, ont-ils fait comprendre.
La veille, le président égyptien, Abdel Fattah el-Sissi, s’était entretenu au Caire avec le Premier ministre libanais désigné, Saad Hariri, exhortant lui aussi à hâter la formation d'un cabinet «indépendant».
La volonté du peuple
Si la pression internationale pourrait faire bouger les lignes, le poids de la contestation populaire n’est pas à exclure. Selon Walid Charara, la situation actuelle «n’est pas irrémédiable, parce que la volonté d’une majorité populaire pourrait inverser les choses» et «refonder l’État libanais et la société libanaise sur de nouvelles bases».
Confrontée à «une crise de légitimité sans précédent», l’ensemble de la classe politique doit trouver un nouveau souffle, «mais il n’y a pas pour le moment de force politique alternative». «Du fait de la nature du système politique», précise-t-il en excluant l’arrivée au pouvoir de l’armée, «la seule voie de sortie, c’est le compromis».
D’après lui, les dirigeants doivent aussi absolument repenser la vision du rôle du Liban dans la région, et sa stratégie économique. Au-delà d’une crise institutionnelle et économique, «il s’agit de la survie même du pays qui est en jeu».
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