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Shahbaz Bhatti, ministre des Minorités religieuses du Pakistan, assassiné le 2 mars 2011 à Islamabad. Shahbaz Bhatti, ministre des Minorités religieuses du Pakistan, assassiné le 2 mars 2011 à Islamabad.  

Pakistan: il y a dix ans, le défenseur des chrétiens Shahbaz Bhatti, assassiné

Dix ans après l'assassinat du ministre pakistanais des minorités, Shahbaz Bhatti (1968-2011), son frère, Paul Bhatti, revient sur l’héritage de cet ardent défenseur des droits des marginaux et des opprimés, figure de la liberté religieuse dans son pays. Le diocèse d'Islamabad a ouvert la cause en béatification de Shahbaz Bhatti il y a cinq ans.

Francesca Sabatinelli - Cité du Vatican

Une condamnation à mort marquée par un engagement à défendre la liberté religieuse et sa conviction de devoir modifier la loi anti-blasphème; loi qui avait conduit en 2010 à la peine de mort pour Asia Bibi, dont il avait fermement soutenu la défense.

Clement Shahbaz Bhatti a été tué à l'âge de 42 ans à Islamabad le matin du 2 mars 2011, alors qu'il allait travailler, à son poste de ministre des minorités, seul ministre catholique du gouvernement nommé sous le président Asif Ali Zardari. Au cours de ces années, il a notamment pris de nombreuses mesures pour soutenir les minorités religieuses. Shahbaz Bhatti était également à la tête de la Consultation nationale interconfessionnelle, organisation rassemblant des chefs religieux de toutes les confessions du Pakistan, ayant rédigé une déclaration commune contre le terrorisme.

Un travail infatigable aux côtés des «derniers»

Son action a toujours été inspirée par la bonté envers les marginaux et les opprimés, par une adhésion totale à la lutte pour l'égalité humaine, la justice sociale et la liberté religieuse. Son assassinat a été revendiqué par le groupe Tehrik-i-Taliban Pakistan, le mouvement des Talibans au Pakistan, qui l'a qualifié de blasphémateur de Mahomet.

Cinq ans après sa mort, une cause de béatification a été ouverte en 2016. Paul Bhatti, son frère, ministre de l'harmonie et des minorités de 2011 à 2014, perpétue depuis dix ans le souvenir et les initiatives de Shahbaz, seule issue selon lui au terrorisme et à la violence.  

Entretien avec Paul Bhatti

Paul Bhatti - En ce qui concerne ce qu'il a commencé, en termes de lutte contre l'injustice, on entend encore répéter son message, et toute cette bataille n'est pas seulement pour la protection des chrétiens, mais contre toute injustice envers quiconque, qu'il s'agisse de musulmans, de sikhs, d'hindous, au Pakistan comme dans d'autres pays, où, au nom de la religion ou de l'extrémisme, il y a tant d'injustices. 

 

Toutes les personnes qui veulent défendre la dignité humaine et l'égalité des droits pour tous, comprennent que l'idée de Shahbaz est très importante. Il a commencé comme la voix de la justice, puis cette bataille a éclaté contre l'extrémisme et le terrorisme. Maintenant, il y a la crise sanitaire, mais avant cela, nous avions le terrorisme et le fanatisme partout dans le monde, surtout dans les sociétés les plus pauvres, comme le Pakistan, où les chrétiens étaient marginalisés, ils étaient les opprimés, non intégrés dans la société.

Shabahz a commencé par l'idée d'intégrer les plus pauvres, les plus faibles dans la société, pour rendre leur vie plus digne, pour leur faire comprendre qu'ils avaient eux aussi leurs droits, car beaucoup de gens vivaient tellement opprimés qu'ils croyaient que c'était leur destin. Il a essayé de faire comprendre à ces personnes qu'elles avaient des droits comme tout le monde. Tout cela s'est manifesté au Pakistan avec divers changements et réformes. Deux exemples parmi d'autres: avant son entrée en politique, au Pakistan, il n'était pas prévu que les minorités religieuses puissent être présentes au Sénat, il a fait en sorte, par son combat, qu'elles puissent l'être aujourd'hui. Le deuxième changement important au Pakistan a été l'intégration des personnes les plus faibles, c'est-à-dire la possibilité d'accéder aux concours publics, pour lesquels les musulmans sont normalement sélectionnés, représentant la majorité.

Les marginaux et les opprimés le sont restés, quand il a vu la difficulté pour ces personnes de s'intégrer, précisément parce qu'elles ne pouvaient pas accéder aux concours, il a demandé de fixer un quota de 5% pour les minorités, et aujourd'hui il y a beaucoup de ces personnes dans l'État, les rôles gouvernementaux, y compris des avocats et des juges.

Votre frère Shahbaz, était un homme de grande foi et c'est lui qui, outre la capacité de s'engager pour la défense des droits de l'homme, a surtout été le premier dans le pays à parler de dialogue interreligieux…

P.B - C'est vrai, en fait c'est lui qui a lancé ce message en impliquant le gouvernement pakistanais dans ce qui était la seule façon possible d'intégrer le Pakistan au reste du monde. Avec son ministère (des minorités, ndlr), il avait créé un programme pour promouvoir le dialogue interreligieux, et c'est grâce à cela qu'aujourd'hui de nombreux imams et chefs religieux font partie de cette initiative qu’il a promu.

Immédiatement après sa mort, je suis venu voir le Pape Benoît XVI (le 6 avril 2011 ed.) avec un imam, qui était l'un des plus grands amis de mon frère, une amitié qui continue maintenant avec moi.  Par la suite, de nombreuses organisations sont nées qui ont commencé à promouvoir le dialogue, il y a en tout cas une énorme sensibilité. Cela existait probablement déjà dans d'autres pays, mais au Pakistan, il a été le premier à le faire.

Au Pakistan, la situation présente encore des aspects très difficiles pour les minorités en général, il y a un manque de respect, on ne peut certainement pas parler de liberté religieuse, des conversions forcées ont lieu, vous avez vous-même dénoncé à de nombreuses reprises la mentalité discriminatoire actuelle, le message de votre frère dans le pays aujourd'hui est toujours d'actualité. Y a-t-il quelqu'un qui se souvient encore et qui transmet l'exemple de Shahbaz?

P.B - Oui, il y a beaucoup de musulmans, beaucoup de dirigeants politiques, qui célèbrent seuls l'anniversaire de mon frère. Le fait est qu'aujourd'hui, il y a encore de l'injustice et peu de respect pour les minorités, mais cela est dû au fait qu'au Pakistan, une génération a grandi à qui on a inculqué un message de haine, une génération qui a pris en otage toute la population pakistanaise. Aujourd'hui, le problème n'est pas seulement celui des chrétiens, mais celui de tout le pays. Le Pakistan a beaucoup régressé économiquement, politiquement il est instable, tandis que le développement, en ce qui concerne les différents secteurs du pays, est très lent, et tout cela est dû à ce genre d'idéologie, qui a freiné le progrès. C'est tout le pays qui paie ce prix élevé, pas seulement les chrétiens ou les minorités. Malheureusement, cette mentalité sera difficile à éliminer immédiatement, mais nous y travaillons.

Il importe avant tout d'instaurer un changement dans l'éducation, c'est-à-dire un type d'enseignement, de culture, qui n'inculque pas le message de haine envers d'autres êtres humains, envers ceux d'une autre foi.

C'est un danger non seulement pour le Pakistan ou pour les chrétiens, mais aussi pour le monde entier. Parce que cette vision de la différence comme un ennemi, si elle est inculquée aux enfants, en grandissant, ils développeront à leur tour la haine et la division. C'était le message très fort que Shahbaz avait donné à ce moment-là; c'est un danger que nous devons arrêter.

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02 mars 2021, 10:00