À Mossoul, l'engagement de l'Unesco pour la reconstruction de l'avenir
Massimiliano Menichetti – Envoyé spécial en Irak
La rencontre avec le Pape à Mossoul, ville symbolique des destructions et des souffrances causées par la guerre, a été suivie attentivement par l’Unesco, L’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, pour laquelle la reconstruction du patrimoine religieux est un enjeu fondamental et indissociable de la reconstruction du tissu social et humain.
Dans un communiqué commun, Noura Al Kaabi, ministre de la Culture et de la Jeunesse des Émirats arabes unis, et Audrey Azoulay, directrice générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), saluent la visite historique du Pape François à Mossoul.
Elles y évoquent particulièrement la visite du Pape à l'église d'Al-Tahira, l'un des sites de l'initiative "Raviver l'esprit de Mossoul", comme une occasion de rappeler ce message clair au monde: l'harmonie et la cohésion entre les adeptes de toutes les religions est le seul moyen de faire avancer et progresser l'humanité, et le moyen le plus efficace de relever les défis croissants auxquels le monde est confronté.
La ministre émiratie et la directrice générale de l'organisation onusienne soulignent l'importance de la visite du Pape sur le site du projet pour diffuser son message de paix et de fraternité, et elles mettent en évidence la force et la résilience de l'humanité pour contrer le message de division diffusé par le groupe responsable de la destruction de la mosquée Al-Nouri et des églises Al-Saa'a et Al-Tahira. Elles ajoutent que la visite du Pape sur le site du projet est une source d'inspiration pour ceux qui sont engagés dans les efforts de réhabilitation et donne une forte impulsion aux efforts visant à établir la paix et l'harmonie en Irak, dans la région et dans le monde.
Interrogé sur place par l'envoyé spécial de Vatican News, Paolo Fontani, représentant de l'Unesco en Irak, explique que son organisation se situe en pleine convergence avec les mots du Pape François qui, au milieu des décombres de cette ville, a martelé ce matin que «l'espérance est plus forte que la mort». «Reconstruire avec des pierres est symbolique de la reconstruction des cœurs et la visite du Pape apporte un espoir en ce sens», explique le responsable de l’Unesco. La reconstruction du patrimoine est un élément fondamental sur le chemin de la réconciliation et du dialogue interreligieux.
Culture et dialogue entre les religions
L'engagement à Mossoul est titanesque car les destructions ont été titanesques, explique Paolo Fontani, et tous les efforts sont maintenant concentrés sur la récupération des édifices religieux, tant chrétiens que musulmans. «La ville a besoin de renaître», dit-il, «et la visite du Pape à Mossoul est porteuse d'espoir». Il souligne que malgré les traumatismes de l’Histoire, une mosaïque pacifique de coexistence a toujours existé en Irak, et que la violence de ces dernières années ne parviendra pas à l'occulter.
Selon le représentant de l'UNESCO, il existe également un lien entre le travail de reconstruction en Irak et la rencontre d'Abou Dhabi qui s'était terminée par la signature du Document sur la fraternité humaine en 2019. Depuis lors, des projets communs sont nés - explique-t-il - qui permettent à l'Unesco de concrétiser le chemin de fraternité tant souhaité par les chefs religieux. Il s'agit de renforcer les relations entre les religions également par le biais de la culture, explique Paolo Fontani.
L'engagement de l'Unesco se situe également dans le domaine du logement: «Il y a un effort, grâce à l'aide de l'Union Européenne et des Emirats arabes unis qui a déjà permis de reconstruire 45 maisons, et 75 autres suivront dans le courant du mois». Ce qui importe le plus à l'Unesco, c'est «que les gens reviennent vivre ensemble et redécouvrent leur identité», expliquent-ils.
Entretien traduit de l’italien :
R. - La reconstruction de Mossoul est une chose titanesque : vous avez vu le niveau de destruction de la ville. Il est clair que nous voulons préserver autant de patrimoine que possible : il y aura une partie qui concerne davantage le patrimoine religieux et cela comprend la mosquée d'al-Nouri, le minaret d'al-Hadba mais aussi deux églises : l'église d'al-Tahera, où nous sommes aujourd'hui, et l'église et le couvent d'al-Saa'a, "Notre-Dame des Heures", qui appartient à l'Ordre des Dominicains.
Ce sont des symboles pour la reconstruction de la ville, qui n'a manifestement pas seulement besoin de pierres mais aussi d'une reconstruction dans le cœur et l'âme des gens. Je crois que la visite d'aujourd'hui est importante, celle du Pape, ici : elle apporte l'espoir, elle apporte - à un peuple qui veut déjà reconstruire - elle apporte encore plus de désir de faire. Nous, en tant qu'Unesco, nous construisons aussi des maisons, c'est-à-dire des maisons du patrimoine ...
Les deux structures que vous avez mentionnées précédemment - la mosquée et l'église - se parlent pratiquement ...
R. - Oui ... en fait, il y a les deux : le clocher, qui avait la fameuse horloge qui sonnait toutes les 15 minutes et qui donnait le temps à tout Mossoul, et de l'autre côté il y avait le minaret emblématique, qui était là depuis 1180 et qui était une référence géographique pour tout le monde: vous saviez où vous étiez dans la ville de Mossoul en regardant où vous étiez par rapport au minaret. Et les deux - le clocher et le minaret - sont distants de quelques centaines de mètres. C'est donc aussi un dialogue religieux, un dialogue d'une ville qui a toujours eu le multiculturalisme au centre de son existence. Ce qui s'est passé est donc un épisode qu'il est bon d'annuler, pour revenir vivre dans cet esprit de paix. C'est comme dirait le Pape, et c'est l'exemple que nous utilisons, celui de la fraternité humaine ...
L'action de l'Unesco est liée d'une certaine manière à la rencontre que le Pape a eue à Abou Dhabi ...
R. - Oui: la réunion de 2019, une visite historique, était importante, parce que nous devions déjà travailler ici avec les Émirats pour reconstruire la mosquée al-Nouri et le minaret; à cette occasion, après la visite du Saint-Père, il a été décidé par le gouvernement des Émirats que l'UNESCO construirait également deux églises: je pense que c'est une sorte d'hommage non seulement au Saint-Père, mais à l'idée même du dialogue entre les religions.
Ce pont entre les religions a été renforcé également avec le dialogue avec Al-Azhar, un dialogue important. Nous sommes ici uniquement pour aider ce dialogue à se construire et, je crois, pour transformer un dialogue en un exemple concret sur le terrain. Par exemple, l'église d'al-Tahera, où nous sommes : notre ingénieur en chef est musulman, tout comme il y a des chrétiens qui travaillent à la reconstruction de la mosquée al-Nouri. Nous pensons que ce dialogue dans les choses quotidiennes, dans la journée, au travail, dans la vie en commun est une manifestation tangible de ce que nous voulons faire.
Vous reconstruisez aussi des maisons?
R. - Oui, nous reconstruisons les maisons : dans ce cas, surtout avec l'aide de l'Union européenne qui a financé, très généreusement, comme l'ont déjà fait les Émirats ; pour le moment, dans la première phase, nous avons commencé avec 45 maisons ; ce mois-ci, nous en commencerons 75 autres. En fait, en parlant de ponts, ce que nous essayons de créer est en fait un chemin patrimonial, physique et pas seulement virtuel, entre la mosquée al-Nouri et l'église al-Tahera.
Par conséquent, nous sommes également en train de créer un trottoir qui sera fait de ce que nous appellerions des "pavés" et qui reflète un peu ce qu'était le patrimoine historique : donc, physiquement, vous pourrez marcher de al-Nouri à al-Tahera, la mosquée et l’église reconstruites, à travers un chemin symbolisé aussi par la reconstruction des maisons et le patrimoine de ce qui était de toute façon une assez grande ville, avec un centre historique très important.
Qu'est-ce qui est particulièrement important pour vous?
R. - Pour l'Unesco, ce qui importe, évidemment, ce n'est pas seulement et exclusivement le patrimoine : le patrimoine n'est que le symbole d'une identité culturelle. Nous sommes ici pour faire en sorte que les gens puissent redécouvrir leur identité, recommencer à vivre ensemble et aussi, il faut le dire, il y a un aspect économique à tout cela : nous voulons montrer que la culture et le patrimoine peuvent devenir un moteur de développement économique. Jusqu'à présent, nous avons déjà employé 800 personnes sur les sites de construction ; 250 personnes travaillent actuellement à la seule reconstruction des maisons. Et à la fin de ces deux ou trois ans, nous aurons employé plus de 2 000 à 3 000 personnes. Je pense que c'est important. Ensuite, nous utilisons des architectes locaux, des ingénieurs locaux, des artisans locaux, nous ramenons des travailleurs qui n'existent plus : dans la transformation de l'albâtre, du bois... Je pense que tout cela est vraiment lié à l'identité de la ville et puis on parle, en fait, non seulement de pierres mais de cœurs.
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