Marib, bataille décisive de la guerre au Yémen
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
Plusieurs centaines de personnes ont perdu la vie ces dernières semaines, depuis le lancement d’une offensive houthiste sur la ville de Marib. Petite ville il y a encore quelques années, elle est devenue au cours de la guerre, une cité abritant environ un million de personnes, essentiellement des déplacés ayant fui les combats entre les rebelles houthis et les forces gouvernementales, appuyées par la coalition arabe, menée par l’Arabie saoudite.
«Marib serait une prise de choix» pour les rebelles, explique Franck Mermier, anthropologue, directeur de recherche au CNRS au sein de l’Institut français d’études anatoliennes à Istanbul. Ville importante de l’Est du Yémen, stratégique pour l’exploitation des ressources pétrolifères du pays, c’est le dernier bastion des forces gouvernementales. «La chute de Marib signifierait que le pouvoir houthiste serait en mesure de contrôler presque l’ensemble du Yémen du Nord», ajoute le chercheur qui précise que les rebelles dominent déjà la plus grande majorité de la population.
Enjeu stratégique et symbolique
Pour le gouvernement reconnu par la communauté internationale et soutenu par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, la chute de Mareb sonnerait le glas de ses espoirs de reconquête du territoire et une défaite finale quasi inéluctable, à moins d’un engagement majeur des forces arabes. De part et d’autre, l’enjeu est donc de taille et explique l’intensité des combats de ces dernières semaines. Les Houthis risquent cependant de jouer leur va-tout dans cette bataille. «Si les Houthis ne parviennent pas à prendre Marib, cela veut dire qu’ils doivent aussi renoncer à unifier au moins le territoire nord-yéménite», estime Franck Mermier.
Le contexte régional explique aussi en partie l’acharnement de cette bataille. «Dans le contexte des négociations sur le programme nucléaire iranien, décrypte l’anthropologue, la prise de Marib par les rebelles est un élément évidemment très fort dans les discussions pour l’Iran», Téhéran et Ryad s’affrontant par alliés interposés au Yémen.
Des alliés incontournables
La reprise des combats au Yémen intervient alors que l’ONU a lancé des appels au cessez-le-feu et que les États-Unis, depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, réorientent leur politique, retirant les Houthis de leur liste des organisations terroristes et cessant leur soutien aux opérations militaires saoudiennes. L’Arabie saoudite avait même proposé aux rebelles un cessez-le-feu. Sans succès donc.
Mais les positions des uns et des autres semblent pour le moment irréconciliables. Pour accepter un arrêt des combats, les rebelles voudraient que le blocus du port d’Hodeida et de l’aéroport de Sanaa soit levé. «Les Houthistes sont dans une position jusqu’au-boutiste parce qu’ils se sentent en position de force sur le terrain mais il n’est pas sûr qu’ils remportent ce pari dans la mesure où l’Arabie saoudite ne peut pas se permettre une défaite à Marib» et devrait intensifier son intervention.
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