Au Mozambique, «un ennemi sans visage», témoigne un missionnaire portugais
«Plus de 3 000 morts et plus de 800 000 déplacés dans toute la province», révèle père Ricardo Marques, aussi curé de l'église locale dédiée à Marie Auxiliatrice, à l'agence de presse des évêques portugais "Ecclesia".
Le père Marques parle de «familles brisées» et de milliers de personnes disparues. «La majorité se réfugie dans la brousse, fuyant une mort certaine, et il y a des gens qui ne savent pas où sont leurs proches, s'ils sont encore vivants ou morts.»
En raison des combats dans la région entre les forces de sécurité de l'État et les groupes armés, les miliciens djihadistes al-Shabaab liés au groupe État islamique, les civils continuent de fuir. Une récente attaque rebelle dans la ville côtière de Palma a forcé au moins 11 000 personnes à fuir, et des milliers d'autres seraient piégées dans la zone.
Bientôt le million de déplacés
Depuis le 24 mars, au lendemain de l'attentat, des civils sont arrivés de leur propre chef à Pemba, à Nangade, Mueda et Montepuez. Il s'agit principalement de femmes et d'enfants. «Nous ne connaissons pas les raisons de ce qui se passe», reprend le missionnaire. «Avec l'escalade de la violence, de vieilles rancunes sont ravivées. Nous ne pouvons pas laisser ce qui se passe dans cette partie du monde tomber dans l'oubli. Il est urgent d'agir, avant qu'il ne soit trop tard. J'en appelle donc à toutes les autorités et aux personnes de bonne volonté, afin qu'une solution qui mette fin à cette guerre dévastatrice soit rapidement trouvée».
Entre-temps, l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a annoncé que le nombre de personnes contraintes de fuir le nord du Mozambique pourrait dépasser le million d'ici juin si les violences actuelles ne cessent pas. Selon le père Ricardo Marques, la population craint que des attaques ne touchent bientôt Pemba. «Le danger est réel», dit-il, ajoutant que «tant que le gouvernement mozambicain n'adoptera pas une attitude plus décisive et n'acceptera pas l'aide étrangère, des décès continueront d'être enregistrés et la possibilité de perdre cette province au profit du terrorisme sera très élevée.»
Le missionnaire soutient que la seule voix prophétique en faveur de ce peuple tourmenté est celle du Pape François: «Il a dénoncé les injustices et les violations continues des droits de l'homme.»
Église des sans-voix
Quant à l'engagement de l'Église, le prêtre déclare: «Nous essayons d'être la voix des sans-voix, de donner de l'espace au cri des victimes. Nous essayons d'apporter des paroles de réconfort et de consolation à toutes les familles et, dans la mesure du possible, en collaboration avec les autorités civiles, la Caritas diocésaine et certaines ONG, nous aidons les familles les plus nécessiteuses».
À Pemba, les personnes déplacées ont été installées dans des zones mises à disposition par le gouvernement mais, selon le père Ricardo Marques, «elles vivent sans les conditions minimales d'hygiène». Il s'agit de grands groupes, 30 à 40 personnes par famille. À cela s'ajoute la préoccupation sanitaire liée au Covid-19, même si, conclut le missionnaire portugais, compte tenu de la situation dramatique, «le virus n'est pas considéré comme un élément discriminant pour l'accueil. Ce serait une condamnation à mort pour de nombreux innocents».
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