La question raciale toujours sans réponse aux États-Unis
Olivier Bonnel, Xavier Sartre – Cité du Vatican
Le président des États-Unis se rend ce mardi 1er juin à Tulsa, Oklahoma, au centre du pays, pour les commémorations du 100e anniversaire du massacre de Tulsa. Les 31 mai et 1er juin 1921, des émeutes éclatèrent dans cette ville où la communauté noire était considérée comme la plus aisée de l’époque. Son quartier fut attaqué par des habitants blancs de la même cité et ravagé par des incendies. Des avions furent mêmes utilisés pour le bombarder. Au terme de ces deux jours d’affrontements, près de quarante personnes, 26 noirs et 13 blancs furent tués. Certaines sources évoquent le chiffre de 300 morts.
La question raciale est au cœur de l’histoire des États-Unis depuis leur fondation, note Amélie Escobar, chercheur associée à l’Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul Dandurand de l’Uqam (université du Québec à Montréal). «Les institutions politiques américaines se sont construites sur une base de relations de pouvoir entre une élite blanche anglo-saxonne et des esclaves devenus affranchis par la suite, qui ont eu beaucoup de mal à obtenir une citoyenneté de premier ordre», explique-t-elle. Depuis, les Américains oscillent entre volonté de réparer les erreurs du passé et crispation.
Entre amélioration et régression
Les lois civiques dans les années 1960 ont permis ainsi «une amélioration assez notable de la condition des afro-américains et une élévation du niveau socio-économique de la classe moyenne» confirme la chercheur. La crise des subprimes en 2007-2008 a au contraire touché plus fortement les afro-américains. La pandémie de Covid-19 a révélé les disparités persistantes entre communautés.
Dans ce contexte, la mort de George Floyd en mai 2020 «a mis le feu aux poudres», poursuit Amélie Escobar. Les conditions de sa mort ont en effet été particulièrement «traumatisantes» mais ont permis une prise de conscience au sein de toute la population de l’étendu de la question. En 2005, seuls 30 % des Américains considéraient qu’il y avait un problème au niveau des relations entre blancs et afro-américains. En 2020, ce pourcentage est passé à 73% souligne la chercheur pour qui c’est «un basculement».
Mais depuis les élections de 2010, 25 États ont durci leur législation concernant l’accès au vote et cela pénalise très majoritairement les membres des minorités et tout particulièrement les afro-américains.
Discours radicalisé à droite
Si les Américains ont été capables d’élire un président métis en 2008 en la personne de Barack Obama et une vice-présidente métisse en novembre dernier, avec Kamala Harris ils montrent que la société américaine n’en est plus aux années 1920 ou 1960. Mais l’élection de Barack Obama a paradoxalement ravivé la fracture idéologique qui est réapparu lors des mandats de Bill Clinton dans les années 1990. La droite de l’époque s’est radicalisée, note Amélie Escobar, ce qui a permis de légitimer des discours racistes plus décomplexés, et de contester à Barack Obama son «américanité».
«Depuis, la fracture se creuse et la polarisation devient tellement extrême qu’on a du mal à imaginer comment réussir à trouver un semblant de chemin d’unité et à imaginer les enjeux sur lesquels les Américains peuvent se retrouver; il est très difficile de trouver un consensus», conclut Amélie Escobar.
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