Rome: exposition d’une pierre exceptionnelle trouvée près du mausolée d'Auguste
Fausta Speranza - Cité du Vatican
C’est au musée de l’Ara Pacis de Rome qu’a été présentée à la presse la pierre commémorative datant de l'époque de l'empereur Claude, qui a été mise au jour il y a environ un mois et demi lors des fouilles pour le réaménagement de la place de l’empereur Auguste de la ville éternelle. Seules dix autres pierres de ce type ont été retrouvées, et la dernière l’a été en 1909, soit il y a plus de cent ans. La récente trouvaille est actuellement exposée à l’Ara Pacis mais elle rejoindra ensuite son emplacement d’origine, une fois les travaux terminés.
Une découverte exceptionnelle
Le Pomerium était la frontière sacrée séparant la ville au sens strict (urbs) du territoire extérieur (ager): soit une zone de terre consacrée, le long des murs, délimitée par des piliers de pierre, où il était interdit de labourer, d'habiter ou d'ériger des bâtiments et qu'il était interdit de traverser avec des armes. En raison de son importance et de sa signification, il a été très rarement modifié. Sénèque, parlant de l'élargissement réalisé par Claude, mentionne le général Sylla comme seul précédent. Tacite mentionne également Jules César ; d'autres sources évoquent des extensions par Auguste, Néron, Trajan et Aurélien.
Preuves épigraphiques et littéraires
La disposition et l'arrangement du texte conservé suivent ceux des autres exemples connus. Le numéro de série, qui apparaît dans trois cas sur le côté gauche de la pierre, et le mot Pomerium, qui se trouve dans deux cas sur le dessus, n'ont pas été conservés. L'intervention sur le Pomerium effectuée par Claude est la seule attestée à la fois par des sources épigraphiques et littéraires. Mais pas seulement. C'est la seule mentionnée dans la Lex de imperio vespasiani comme un précédent. Les découvertes épigraphiques témoignent également de deux interventions effectuées par Vespasien et Titus, en 75 après J.-C., et par Hadrien en 121 après J.-C., qui sont toutefois complètement ignorées par les sources littéraires.
Trouvée in situ
La pierre de travertin est un important trésor archéologique, notamment parce qu'elle a été trouvée encore enfoncée dans le sol, témoignage précis du développement de la ville et de son expansion. Grâce à l'inscription, on peut la faire remonter avec une certitude absolue à l'empereur Claude et, par conséquent, à l'élargissement du Pomerium réalisé par celui-ci en 49 après J.-C., établissant la nouvelle «limite», considérée à l'époque comme la frontière sacrée, civile et militaire de la ville. Le caractère exceptionnel de la découverte de cette pierre offre de nouvelles perspectives sur le Pomerium et sur l'existence ou non du ius proferendi pomerii, les valeurs que les Romains attribuaient à l'«espace».
L'inscription
L'inscription n'est pas complète, mais seules les premières des neuf lignes manquent: ce sont précisément celles que l'on peut lire dans les fragments de l'autre pierre retrouvée. Il est donc important que les autres lignes soient visibles. La sérialité du texte officiel gravé sur les pierres permet de reconstituer la partie manquante. Claude, selon la formule rituelle, est rappelé avec ses titres et ses fonctions et revendique l'élargissement du Pomerium, sans mentionner les territoires conquis, mais en soulignant l'élargissement des frontières du peuple romain. Cela signifie donc l'élargissement de la frontière physique, mais peut aussi indiquer l'élargissement du corps civique, avec l'extension de la citoyenneté romaine aux élites (primores) de Gaule. L'expression est délibérément ambiguë. En tout cas, l'élargissement du Pomerium indique un élargissement de la vision de l'Urbs. Claude est intervenu dans l'espace de la ville par une action qui avait une forte valeur religieuse, politique et symbolique.
Sous le signe de l'inclusion
L'auteur des changements se considère comme le «nouveau fondateur» de la ville. Et c'est précisément ce que fit Claude après la conquête de la Grande-Bretagne: il revendiqua l'expansion des frontières du peuple romain, dans une vision articulée, qui tout en marquant le territoire ne se contente pas de le regarder comme tel, mais permet d'inclure des vues politiques, la philosophie, la stratégie, voire les ambitions, comme l'explique le directeur des Musées du Capitole, Claudio Parisi Presicce.
Celui-ci rappelle que l'empereur, écrivain, historien et linguiste, -Tiberius Claudius Caesar Augustus Germanicus, tel qu'il est également défini dans cette inscription-, fut le quatrième empereur romain de la dynastie julio-claudienne et le premier à être né en dehors du territoire qui correspondait à la péninsule italienne actuelle. Il est entré dans l'histoire, explique-t-il, comme un administrateur compétent, un grand mécène des bâtiments publics et un empereur expansionniste en politique étrangère: sous son commandement, Rome a conquis la Grande-Bretagne. C'est précisément l'élargissement de la citoyenneté romaine qui a été l'une des raisons des critiques et des vifs débats au sein du Sénat. Le pierre trouvée et présentée ici est un artéfact de ce qu'on appelle le Pomerium, la frontière que Claude voulait étendre, non seulement territorialement mais aussi socialement: elle délimitait les sphères de la vie publique à Rome, les rituels religieux, l'exercice de la magistrature et du pouvoir militaire.
Pour le public
Le directeur des musées du Capitole poursuit en expliquant que la pierre en question, découverte lors d'une étude approfondie pour l'installation du nouveau système d'assainissement de la place, peut désormais être admirée dans la Sala Paladino du musée de l'Ara Pacis, où se trouve le moulage de la statue de l'empereur Claude, ce qui garantit sa conservation et permet au public d'en profiter.
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