Peur et incertitudes chez les Afghans après la chute de Kaboul
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
De son expérience de dix années en Afghanistan, entre 2000 et 2010, Charlotte Dufour, consultante indépendante sur les systèmes alimentaires, qui collabora à l’époque avec différentes ONG et institutions internationales comme la FAO, a gardé de nombreuses amitiés dans le pays. Depuis plusieurs jours, elle est en contact permanent avec les hommes et surtout avec les femmes avec qui elle a notamment travaillé. Tous lui ont confié leurs peurs et leurs incertitudes quant à leur avenir et celui de leur pays.
Les Afghans sous le choc
«Certains sont menacés directement de par leur appartenance à une minorité ethnique ou religieuse, ou de par le fait que ce sont des femmes qui ont beaucoup œuvré pour l’amélioration des conditions de vie des femmes, confie Charlotte Dufour. D’autres sont résilients – enfin, ils sont tous résilients ! – gardent leur calme et disent ‘‘on reste, on essaie de construire sur l’existant’’. Je pense qu’il y a beaucoup d’interrogations : est-ce que les discours tenus par les Talibans seront réels ?» s’interroge-t-elle. Or, «la réalité sur le terrain est plus contrastée : on voit beaucoup de violence, de menaces».
Les contacts de Charlotte Dufour lui racontent avoir peur de voir «des voitures avec des talibans armés circuler sous leurs fenêtres», lui décrivent la ruée sur les banques pour retirer ses économies dans la crainte de ne plus y avoir accès. Ils lui expriment «le choc» de l’arrivée soudaine des fondamentalistes à Kaboul et préfèrent se cacher en attendant de voir comment la situation va évoluer.
Les risques pour les femmes
Les femmes craignent «les intimidations, les représailles» mais ce qui domine, c’est la peur de l’inconnu et le sort des jeunes filles qui dans certaines régions du pays déjà sous la coupe des talibans sont mariées de force. Pour celles qui ont connu la domination des fondamentalistes entre 1996 et 2001, il y a «la peur de devoir rester chez elles, à ne plus avoir de mobilité, à ne plus avoir accès à l’éducation, à l’emploi». Lors de ce premier régime, Charlotte Dufour, qui était présente sur place, se souvient que la population vivait dans «la peur constante», y compris les hommes qui pouvaient se faire battre pour une barbe trop courte, ou pour être en retard à la prière à la mosquée.
Face aux risques qu’encourent les femmes et les jeunes filles, «la communauté va devoir être extrêmement présente, être vraiment là, à l’écoute, à leur côté ; les médias ont un rôle très important de témoins, de relais pour faire le maximum afin de préserver au mieux les acquis en matière de conditions de vie de la femme», estime la consultante.
Dans ce contexte, conclut Charlotte Dufour, «c’est important de penser et de prier pour les Afghans. L’Afghanistan est aussi un pays de lumière, les Afghans sont des personnes extrêmement courageuses, résilientes qui malgré tout, restent prêtes à agir et à être solidaires les uns envers les autres».
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