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L'arrivée à Bari du cargo Vlora, chargé de réfugiés albanais, le 8 août 1991. L'arrivée à Bari du cargo Vlora, chargé de réfugiés albanais, le 8 août 1991. 

Il y a 30 ans, l'épisode symbolique de l'exode des Albanais vers l'Italie

Le 8 août 1991 a eu lieu le plus grand débarquement de migrants jamais réalisé dans un seul navire en Italie. Il s'agit d'un moment clé de la rébellion du peuple albanais, en particulier des jeunes, contre 40 ans de régime totalitaire, mais aussi d'une étape importante dans l'histoire récente des migrations en Méditerranée.

Fausta Speranza - Cité du Vatican

Le 8 août 1991, alors que l'Italie est en pleine période de vacances estivales, 20 000 Albanais arrivent au port de Bari, provoquant une crise dans les structures chargées de gérer les urgences dans les Pouilles et ailleurs. La cause en est un acte de force désespéré: le 7 août 1991, le navire marchand Vlora, revenant de Cuba chargé de sucre de canne, est envahi par des milliers de personnes lors des opérations de débarquement dans le port de Durrës en Albanie, obligeant le capitaine, Halim Milaqi, à mettre le cap sur l'Italie et à accoster à Bari le lendemain.

L'entrée du port n'était pas facile. Le capitaine a forcé le blocus, affirmant qu'il y avait de graves blessures à bord et qu'il ne pouvait pas l'ordre de battre en retraite, en raison de l'importante cargaison. Le navire a ensuite été amarré au Molo Carboni, le plus éloigné de la ville. Lors de l'entrée dans le port, de nombreuses personnes ont sauté du navire encore en mouvement et ont nagé jusqu'au quai pour tenter de s'échapper.

Il s'agissait d'une étape d'un processus historique particulier vécu par l'Albanie, que le Pape Jean-Paul II a suivi de près au cours de ces années. Lors de sa visite historique en Albanie, le 25 avril 1993, sur la place Skanderbeg à Tirana, il s'est adressé aux Albanais qui avaient quitté la dictature communiste en ces termes: «Peuple albanais, avance courageusement sur les chemins de la solidarité».

Une décennie de flux migratoire via la mer Adriatique

En mars 1991, des milliers et des milliers d'Albanais étaient déjà arrivés à Brindisi en trois nuits. À ce moment-là, l’Europe avait renoué avec des images oubliées depuis le milieu du XXe siècle, lorsque des millions de réfugiés de la Seconde Guerre mondiale furent contraints de quitter leurs maisons compte tenu des destructions et des nouveaux tracés de frontières.

En 1992, le nombre de boat people dans l'Adriatique a commencé à diminuer, mais le phénomène des arrivées ne s'est jamais vraiment arrêté jusqu'en 1999, avec un nouveau pic en 1997, comme le raconte l'un des protagonistes de l'effort d'assistance dans les Pouilles durant ces années, Bruno Mitrugno, alors directeur des opérations de la Caritas de Brindisi.

Il se souvient notamment d’un naufrage avec des centaines de réfugiés à bord le Vendredi saint de 1996 : un patrouilleur de la marine italienne tentant d'encourager les réfugiés à retourner au port de Vlora avait en fait coulé un bateau. Il mentionne également l'année 1999, lorsqu'il y avait une guerre au Kosovo et que des milliers de personnes, dont des Albanais, ont débarqué sur la côte des Pouilles en se faisant passer pour des Kosovars.

Le directeur de Caritas de l'époque explique également qu'il n'a pas oublié certaines des histoires des personnes qui sont arrivées. Il se souvient notamment d'une religieuse qui assurait avoir transporté l'hostie consacrée dans sa poche pendant des années sous le régime pour certaines personnes à la maison, en désobéissant aux interdictions. Concernant les histoires sur la criminalité albanaise, il reconnaît qu'il y en a eu comme il y en a toujours eu dans chaque pays et qu'elle s'est fait sentir en Italie parce qu'elle a trouvé une alliance avec la criminalité italienne.

L’ouverture chaotique de l’Albanie au monde extérieur

Du temps de la République populaire socialiste d'Albanie, Enver Hoxha a dirigé le pays d'une main de fer pendant quatre décennies. Entre 1945 et 1990, au moins 5 000 hommes et 450 femmes ont été condamnés à mort par balle, par pendaison ou par d'autres moyens. En outre, 34 135 personnes ont été emprisonnées, dont 1 000 sont mortes en prison à la suite de mauvais traitements constants. Aujourd'hui encore, de nombreuses familles recherchent les restes de leurs proches.

Après des émeutes dans plusieurs villes du pays en 1989, le régime a introduit certaines libéralisations, notamment la liberté de voyager à l'étranger, auparavant refusée à presque tout le monde. En mars 1991, trois mois avant les débarquements massifs, l'Albanie a tenu ses premières élections pluralistes après 40 ans de régime totalitaire, mais le véritable dépassement du communisme n'était pas encore en vue et le pays était en grande difficulté. Beaucoup de familles ont eu le désir d'émigrer afin d'atteindre un état de bien-être et de voir ce monde inconnu tant admiré à la télévision italienne, facilement captée par les foyers albanais.

La crise économique avait été provoquée par le manque de capacité de gestion des affaires publiques par les nouvelles élites, et elle a été aggravée par les actions des dirigeants des entreprises publiques et collectives qui, pour se venger de la perte du pouvoir, ont commencé à saboter et à détruire le système économique.

L’aspect idéologique et générationnel avait aussi beaucoup influencé le grand exode de mars 1991 et celui qui a suivi en août : la propagande du régime fut rejetée par une grande majorité de la population, avec le changement d'opinion qui en découla concernant les pays capitalistes, constamment diabolisés pendant la dictature. La transition démocratique se poursuivra durant les années suivantes, avec la construction progressive d’un État encore fragile mais pluraliste, qui bénéficie désormais du statut de candidat à l’entrée dans l’Union européenne.

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08 août 2021, 15:43