Cardinal Hollerich: ne pas abandonner les Afghans qui ont cru en l'Occident
Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican
Le risque terroriste planait, il s’est concrétisé sur l’aéroport de Kaboul, théâtre d’un attentat suicide ce jeudi 26 août. Au moins une dizaine de morts et des centaines de blessés, principalement afghans, sont à déplorer, selon les premiers bilans provisoires.
Des milliers de personnes se trouvaient sur place dans l’espoir de fuir le pays. Or, plusieurs opérations européennes d’évacuation doivent cesser cette semaine: c’est le cas de la Belgique, des Pays-Bas et de la France; un délai imposé par les Américains.
Malgré une situation chaotique sur place, 88 000 personnes ont été évacuées au total depuis la mise en place du pont aérien le 14 août, veille de l'entrée des talibans dans Kaboul.
Plusieurs pays ont plaidé pour une extension du délai au-delà du 31 août, estimant qu'il ne serait pas possible d'évacuer tout le monde d'ici là. En vain. Ce que déplore aussi l’Église. Le cardinal Jean-Claude Hollerich, président de la Comece, la commission des épiscopats européens, et archevêque de Luxembourg, évoque un devoir d’humanité. Et surtout «une dette occidentale» envers la population afghane.
Cardinal Hollerich: L’accueil des Afghans est important par humanité. L’Union européenne a certaines valeurs qu’elle prône, parfois un peu comme une maitresse d’école qui enseigne aux autres ce qu’ils doivent faire. Si nous-mêmes comme Européens ne respectons pas ces valeurs européennes, personne ne nous croira ni respectera à l’avenir. L’humanité exige qu’on accueille les personnes, qu’on ne les laisse pas dans des camps en Iran. Certaines femmes qui veulent exercer des professions, refusent de porter le voile, les envoyer en Iran revient certes à sauver leurs vies, mais pas leur dignité.
L’Europe s’est engagée aux côtés des États-Unis, elle doit porter les conséquences de sa politique, soit sauver le plus de gens possible et les accueillir dans les pays membres de l’Union européenne. Je suis en contact avec le ministre des affaires étrangères du Luxembourg et me réjouit qu’il partage entièrement notre sentiment à cet égard.
N’oublions pas aussi les Afghans qui demeurent sur les iles grecques, qui sont venus, également car ils croyaient dans l’idéal européen. Il faut vivre cet idéal.
Comment expliquer cet échec dans l’aide aux réfugiés afghans, en dépit du droit international?
Le droit international entre en vigueur quand tout le monde souhaite qu’il le soit. Si une des parties ne le veut pas, d’autres mesures sont nécessaires. La tâche est difficile, je me refuse à critiquer les responsables politiques, qui, tous, se sont trompés. Ce n’est pas la défaite d’un seul gouvernement, les Occidentaux ont mal jugé la situation. C’est une défaite d’une politique occidentale et européenne. Nous devons veiller à ne pas abandonner les personnes qui croyaient en nos discours, suivaient nos enseignements, ces personnes qui ont soif de liberté et de dignité humaine, qui veulent vivre.
Ne pas respecter ces personnes, ne rien faire pour elles, serait un deuxième désastre pour l’Occident. Plus personne ne croirait aux valeurs qu’il défend.
Plusieurs interlocuteurs internationaux, comme la chancelière allemande, appellent à établir un dialogue avec les talibans. Est-ce selon vous la voie à suivre?
Je ne suis pas homme politique, et ne dispose pas des détails de la situation. J’ai confiance en la chancelière allemande, c’est une femme qui fait de la politique avec beaucoup de réalisme, de distance nécessaire sur ce qui serait meilleur pour les personnes. Il est clair que les États-Unis et l’Europe ne pourront pas évacuer toutes les personnes qui voudraient fuir. Il ne faut donc pas laisser les autres à la vengeance des talibans, mais les sauver et les maintenir en vie. Nous avons une dette à payer envers ces personnes.
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