Angela Merkel, la gestionnaire de crises
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
Pour comprendre la politique étrangère allemande de ces seize dernières années, il faut connaître le passé d’Angela Merkel, la chancelière sortante, qui ne briguera pas un cinquième mandat aux élections générales du 26 septembre. Élevée en Allemagne de l’Est, du temps de la Guerre froide, son rapport aux deux grandes puissances que sont les États-Unis et la Russie ainsi qu’à l’Europe, est façonné par ce contexte géopolitique.
Angela Merkel a toujours nourri une fascination pour les États-Unis, perçu comme le pays de la liberté qui n’est pas pour elle un concept, mais «une réalité d’autant plus vécue charnellement qu’elle en a été privée, et dont elle mesure le prix plus que tous les autres dirigeants», souligne Marion Van Renterghem, grand reporter, auteure de C’était Merkel, aux éditions Les Arènes. Pas question pour la chancelière de remettre en cause les liens particuliers noués après-guerre avec Washington.
Fermeté et faiblesse avec Moscou
Par rapport à la Russie, «là aussi il y a l’Allemagne et il y a Angela Merkel», note la biographe. La chancelière, russophone comme de nombreux Est-Allemands, n’a pas besoin de traducteur pour s’adresser au président russe Vladimir Poutine qu’elle connait très bien. Elle connait ses méthodes, et n’hésite pas à aborder avec lui directement les questions des droits de l’homme comme le sort d’Alexei Navalny.
Son franc-parler avec le maître du Kremlin n’empêche pas la dépendance de l’Allemagne envers le gaz russe. «Angela Merkel en est responsable ou co-responsable puisqu’en décidant très brutalement l’arrêt du nucléaire en 2011 après la catastrophe de Fukushima, elle a accru la dépendance de l’Allemagne» pour préserver les intérêts de l’industrie et de l’économie allemandes, explique Marion Van Renterghem. «Elle n’a pas particulièrement brillé par son courage concernant l’affaire Nord Stream 2», estime-t-elle, en référence à ce pipeline reliant directement la Russie à l’Allemagne et qui a provoqué de vives réactions parmi les alliés de Berlin, en tout premier lieu Washington.
Une attention pour l'Europe orientale
Avec l’Union européenne, Angela Merkel s’est débattue avec une série de crises: crise financière de 2008, puis des dettes souveraines, crise ukrainienne, des réfugiés syriens, covid-19. Autant de situations qu’elle a affrontée «magistralement» considère la grand reporter, insistant sur son «geste admirable d’humanité» quand elle a décidé seule d’accueillir plus d’un million de réfugiés à l’été 2015 quand «tout le monde regardait ses pieds». «Elle a sauvé l’honneur de l’Europe à ce moment-là», affirme-t-elle.
Mais concernant l’Union européenne, «ce n’est pas le fort d’Angela Merkel d’avoir une vision, elle n’en a pas», ajoute Marion Van Renterghem. La chancelière a cependant brisé quelques tabous allemands comme la mutualisation des dettes ou le déficit budgétaire. Et «elle apporte quelque chose de tout à fait précieux à l’Europe : elle vient de l’Est et apporte une vision de l’Europe différente. Elle apporte une force de réunification européenne, elle a un sens très fort d’une Europe qui doit être mise ensemble, qui ne doit plus être coupée en deux ; sa capacité de négociation et d’écoute pourrait nous manquer».
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