Centrafrique: l'engagement du cardinal et de l’imam filmé dans un puissant documentaire
Marine Henriot – Cité du Vatican
Le sourire malicieux de l’imam Oumar Kobine Layama, décédé des suites d’une maladie en novembre 2020, accompagne le spectateur le long de ce documentaire sur les routes oubliées de la République Centrafricaine. «L’amitié entre un cardinal et un imam est une histoire trop rare pour ne pas être racontée», note, ému, Manuel von Stürler, lors de l'avant-première.
Caméra au poing, le réalisateur suit ces deux hommes de paix dans leurs rencontres avec la population centrafricaine. Alindao, le camp de déplacés de Bria, Bangassou… Inlassablement, les deux frères prêchent la paix. Auprès de citoyens en souffrance, à qui le réalisateur donne la parole pour la première fois. Une parole dure, sévère, envers les intégristes musulmans, envers les intégristes chrétiens que certains accusent de génocide, envers les casques bleus des Nations unies, envers les responsables politiques et la communauté internationale. En Centrafrique, «tout le monde se sert, il n’y a plus de frontières», soupirent d’autres, veuves, orphelins, déplacés.
«Un peuple oublié en son propre pays», qui a finalement l’occasion d’être entendu, comme le dit Manuel von Stürler: «avec mon humilité, je voulais retranscrire leurs voix, leurs questionnements, leurs doutes». Sìrìrì n’a pas la prétention d’expliquer la complexité de cette guerre qui ronge la Centrafrique, il présente la brut réalité, à un moment donné, «le conflit dure et nous sentons une grande fatigue de la population», «je crois que c’est important de l’entendre pour espérer que les lignes bougent».
Dans Sìrìrì, qui veut dire «paix» en sango, le cardinal Nzapalainga, faisant corps avec sa jeep, bâton de pèlerin en main, parcourt inlassablement les pistes de son pays dans lequel un quart de la population est déplacée par les violences. Même quand la jeep se retrouve dans le fossé, le plus jeune des cardinaux électeurs ne perd ni son sourire ni son espérance. «Au fond de chacun, le désir de cohabitation est là», explique-t-il, «aujourd’hui nous avons fait beaucoup de pas, et nous devons continuer à les faire encore».
Si les pas sont faits, le film ne masque pas la violence omniprésente dans le pays. Ni les églises ni les hôpitaux ne sont respectés et sont attaqués, comme les habitations ou les écoles. «Des gens vivent de cette violence», soupire le cardinal, prendre les armes est finalement la route la plus directe pour accéder aux mines d’or et diamants, sans passer par le pouvoir central. Une violence qui ne décourageait pas non plus l’imam Layama, président du conseil supérieur islamique jusqu’à sa mort soudaine l’année dernière. Sourire aux lèvres, le religieux le martelait : «Il faudrait toujours avoir le courage d’allumer la lumière».
Le film s’achève avec sur une lueur d’espoir: au sanctuaire de Ngoukomba, une vingtaine de kilomètres au nord de Bangui, musulmans et chrétiens prient ensemble au soleil couchant. «La différence est respectée», détaille le cardinal, «le soleil brille pour tout le monde, les méchants comme les bons, finalement une dame (Marie, ndlr) nous rassemble».
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