Au Nigeria, que devient Boko Haram?
Claire Riobé – Cité du Vatican
Certains ont déposé les armes, d’autres ont rejoint l’État islamique. Quatre mois après la mort de leur chef Abubakar Shekau, tué au Nigeria en mai 2021, les soldats de Boko Haram semblent de plus en plus se désengager du mouvement armé.
La mort de Shekau, tué par l’Iswap après plus de deux semaines d’affrontements intenses entre les deux factions rivales, a marqué un tournant pour Boko Haram. «Un grand nombre des combattants du mouvement a rejoint l’Etat islamique, tandis que d’autres ont fait le choix de se rendre aux autorités camerounaises, de l’autre côté de la frontière. Ce qu’il reste aujourd’hui du mouvement Boko Haram est résiduel» en Afrique de l’Ouest, explique ainsi Wassim Nasr, journaliste à France 24 et auteur du livre L’État islamique, le fait accompli (Plon). «Il y a une résistance, mais dans le schéma actuel, ce qui reste du groupe (Boko Haram) est minime par rapport à ce qu’a déjà instauré l’Etat islamique dans cette zone», insiste-t-il.
Un mouvement dominé par l’Iswap
La première insurrection armée de Boko Haram date de 2009, dans le nord-est du Nigeria. En 2016, l’organisation s’est scindée en deux avec l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap, en anglais), aujourd’hui son principal opposant dans la région. Les luttes intestines entre Boko Haram et l’Iswap, notamment sur le contrôle du territoire du Lac Tchad, sont depuis récurrentes. L’organisation islamiste est désormais considérée comme le groupe jihadiste le plus puissant du Nigeria. Elle est également active dans les pays voisins, autour du lac Tchad, au Niger dans la région de Diffa, et au Cameroun.
À tel point que la mort du chef de l’Iswap Abou Musab al-Barnawi, annoncée mi-octobre, ne devrait en rien entraver la progression de l’organisation dans la région. «Le groupe de l’Iswap est aujourd’hui tellement installé qu’il a évidemment des commandants à plusieurs échelons», indique W. Nasr. «Et l’on sait très bien que pour un groupe jihadiste, la mort du chef ne signifie pas du tout la fin, mais plutôt un renouvellement du groupe.»
Désengagement des soldats
Face à l’affaiblissement de Boko Haram au profit de l’Iswap, un certain nombre de combattants font le choix de la reddition. D’après le ministre nigérian de la défense, Bernard Onyoko, plus de 13 000 d’entre eux se sont ainsi rendus aux forces de l’ordre nigérianes au cours des deux premières semaines d’octobre.
Selon W. Nasr, plusieurs raisons expliquent le désengagement des combattants de Boko Haram de la lutte armée. «La défaite de la faction de Shekau a conduit à ce qu’un nombre important de combattants, avec leur femme et leurs enfants, se rendent,», explique-t-il. Cet épisode, allié aux «conditions de vie très rudes», poussent les autres combattants de Boko Haram à se désengager du combat et à choisir de ne pas s’enrôler dans l’Etat islamique. Une occasion pour eux « de dire que le groupe (Boko Haram) n’existe plus.» L’augmentation des redditions aurait également été constatée au Cameroun voisin.
Programmes de réconciliation
Les chefs de Boko Haram qui font aujourd’hui le choix de se rendre se voient proposer un programme secret de réinsertion au Nigeria et au Cameroun. Récemment mis en place par les autorités nigérianes, le «Sulhur» («réinsertion» en arabe) veut convaincre les dirigeants du groupe de s’engager dans la voie de la réintégration de la société. Après un premier tri sur la sincérité du milicien, ce dernier prévoit des cours de formation sur la légalité, une thérapie psycho-sociale et, enfin, un programme de réinsertion à la société, rapporte l’agence Fides. Le programme suscite cependant de vifs débats au sein de la société nigériane.
D’après un rapport des Nations-Unies publié fin juin 2021, les violences du groupe Boko Haram auraient provoqué la mort directe ou indirecte de plus de 350 000 personnes en douze ans, et le déplacement de 2 millions d’autres.
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