En Irak, des élections législatives qui suscitent peu d’émoi
Marine Henriot – Cité du Vatican
Initialement prévues en 2022, les législatives anticipées sont une des rares concessions offertes par le pouvoir pour désamorcer le mouvement de contestation inédit, déclenché à l'automne 2019 pour dénoncer corruption endémique, chômage des jeunes et déliquescence des services publics. En principe, le 10 octobre, près de 25 millions d'électeurs sont appelés à choisir parmi les plus de 3 200 candidats en lice pour 329 sièges au Parlement. Un quota de 25% a été réservé aux femmes.
Une contestation marquée par la pandémie
Malgré quelques manifestations notamment à Nassiriya et Bagdad à l’approche du scrutin, le mouvement de contestation est aujourd’hui essoufflé, «passé sous silence pour la simple et bonne raison que l’Irak a été frappé par la pandémie», détaille Myriam Benraad, professeure associée en relations internationales à l’Ileri (l’Institut libre d’étude des relations internationales) et à l’université internationale Schiller à Paris en France. La contestation s'était étendue sur plusieurs mois, sévèrement réprimée par les forces de l’ordre, 600 personnes sont mortes dans les manifestations, 30 000 ont été blessées.
Le gouvernement de Moustafa al-Kazimi, installé pour répondre à la colère de la population, «n’a pas donné de preuve qu’il était capable de sortir l’Irak des ornières», détaille la politologue. Les observateurs s’attendent à une abstention record, «il y a une forme d’asthénie, de ras-le-bol, de désenchantement», souligne Myriam Benraad, «mais les griefs n’ont pas disparu.»
Ces derniers mois, des dizaines de militants ont été victimes d'assassinats, de tentatives d'assassinat ou d'enlèvements. Ces violences n'ont jamais été revendiquées mais les manifestants pointent du doigt les puissantes milices pro-iraniennes, liées au pouvoir.
Appel du grand ayatollah
À quelques jours du scrutin, le grand ayatollah Ali al-Sistani, la plus haute autorité chiite d'Irak, avait appelé la population à participer aux législatives pour «opérer un vrai changement» au sein du pouvoir. Il a invité les Irakiens à «profiter de cette opportunité pour opérer un vrai changement dans l'administration de l'Etat et écarter les mains corrompues et incompétentes des principaux rouages», rapporte l'AFP.
Cet appel n’est pas surprenant commente Myriam Benraad, Ali al-Sistani est «un acteur vieillissant, qui essaie de peser dans la famille chiite, au moment où ces derniers se sont beaucoup repliés sur les milices infra-étatique qui sont directement concurrentes de l’État central».
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