Nobel de la paix: le prix 2021 attribué à deux journalistes
Claire Riobé – Cité du Vatican
La nouvelle est vécue comme un «choc», pour Maria Ressa, une des deux destinataires du prix Nobel de la paix 2021. «Je suis sans voix… un immense merci. Un monde sans faits signifie un monde sans vérité et sans confiance», a réagi la journaliste depuis Manille, juste après avoir été informée de la nouvelle. La philippine de 58 ans, également de nationalité américaine, est à la tête du média d’investigation Rappler qu’elle a cofondé en 2012. «Depuis des années, a déclaré le jury du prix Nobel, Maria Ressa utilise la liberté d'expression pour exposer les abus de pouvoir et l'autoritarisme croissant dans son pays natal» dirigé par Rodrigo Duterte.
Avec les équipes de Rappler, Maria Ressa a notamment aidé à mettre en lumière la campagne antidrogue «controversée et meurtrière» menée par le régime du président Rodrigo Duterte dès 2016, a fait valoir le comité Nobel. Maria Ressa a ainsi été condamnée en juin 2021 pour diffamation, et risque jusqu'à six ans d’emprisonnement.
Lutter pour la liberté d’expression
De son côté, le journaliste Dimitri Muratov, âgé de 59 ans, est l’un des fondateurs et actuel rédacteur en chef du journal russe Novaïa Gazeta, créé en1995. Le journalisme factuel et l'intégrité professionnelle du journal en ont fait «une source importante d'informations sur les aspects censurés de la société russe, rarement mentionnés par les autres médias», a indiqué le comité Nobel.
Alors que six de ses journalistes ont été tués, dont Anna Politkovskaya en 2006, Dimitri Muratov a toujours refusé d'abandonner la ligne indépendante de son journal, et défendu «le droit des journalistes à écrire ce qu'ils veulent, sur ce qu'ils veulent, tant qu'ils respectent les normes professionnelles et éthiques du journalisme.» Le jury Nobel salue ainsi son engagement pour la défense de la liberté d’expression «dans des conditions de plus en plus difficiles» en Russie ces dernières décennies. Dmitri Muratov a annoncé dédier son prix Nobel au journal, ainsi qu’à ses collaborateurs assassinés pour leur travail et leurs enquêtes.
Deux incarnations de «l’idéal de la liberté de la presse»
La liberté de la presse, jamais sacrée jusqu'à présent, figurait parmi les idéaux favoris pour le prix Nobel de cette année. Les 329 candidatures en lice ont été tenues secrètes jusqu’au dernier instant.
Maria Ressa et Dimitri Muratov deviennent ainsi «les représentants de tous les journalistes qui défendent cet idéal dans un monde où la démocratie et la liberté de la presse sont confrontées à des conditions de plus en plus défavorables», a déclaré, à Oslo, la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen.
L’ONG Reporters Sans Frontières a accueilli avec «joie» l'attribution du prix, vécue comme «un signe puissant (et) un appel à l'action».
Le prix Nobel de la paix - une médaille d'or, un diplôme et une somme de 10 millions de couronnes suédoises (près de 980.000 euros) - devra être physiquement remis aux lauréats le 10 décembre prochain à Oslo, si les conditions sanitaires le permettent.
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